Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2015, et un mémoire, enregistré le 7 juin 2016, M. F...G..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 juillet 2015 ;
2°) d'annuler les décisions contestées du préfet d'Eure- et-Loir et du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui accorder le bénéfice du regroupement familial ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée du préfet n'est pas datée ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation du caractère insuffisant de ses ressources ; la circonstance qu'il travaillait en intérim jusqu'à son départ à la retraite n'emporte pas nécessairement instabilité de ses ressources ;
- les premiers juges se sont placés à tort à la date de la demande de regroupement familial pour apprécier ses ressources alors qu'elles devaient être appréciées à la date de la décision du préfet ;
- les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2015, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. G...n'est fondé.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les observations de MeB..., représentant M.G....
1. Considérant que M. F...G..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1949, est entré régulièrement en France en 1972 et y est établi depuis ; qu'il est titulaire d'une carte de résident dont la validité expire au 17 mars 2016 ; que, le 15 juillet 2013, il a présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme D...A..., et de sa fille Khadija ; que par une décision notifiée le 3 mars 2014, le préfet d'Eure-et-Loir lui a opposé un refus et que le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique par décision du 15 mai 2014 ; que par la présente requête il relève appel du jugement n°1402622 du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que l'absence de mention de la date à laquelle la décision contestée du préfet d'Eure-et-Loir a été prise sur l'exemplaire notifié à M. G...est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision le concernant ; que le préfet d'Eure-et-Loir soutient en défense, sans être contredit, que son arrêté a été signé le 25 février 2014 et produit une copie datée de cet arrêté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ... " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes... " ; qu'il appartient au préfet, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier les conditions relatives aux ressources et au logement posées par ces dispositions à la date à laquelle il prend sa décision et non à celle de la demande du requérant ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. G...justifie avoir perçu 14 940,65 euros net au cours de la période d'un an écoulée de mars 2013 à février 2014, soit une somme de 1 195,05 euros par mois en moyenne, légèrement supérieure au SMIC mensuel net ; que ces ressources étaient toutefois constituées, d'une part, de salaires à hauteur de 9 540,94 euros net perçus par l'intéressé en rémunération de missions d'intérim, et, d'autre part, d'allocations de retour à l'emploi versées par les services de Pôle emploi à hauteur de 4 799,71 euros ; que de telles ressources ne pouvant être regardées comme revêtant le caractère stable exigé par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant dans ces conditions que M. G...ne justifiait pas de ressources stables suffisantes le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas méconnu ces dispositions ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est marié dans son pays d'origine le 12 octobre 1973 avec une compatriote, et que de cette union est née une fille, à Berkane (Maroc), le 14 avril 2001 ; que toutefois, M.G..., qui a fait le choix de maintenir sa résidence en France alors que son épouse marocaine et leur enfant ont toujours vécu au Maroc, ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit, d'une activité professionnelle et d'une situation stable en France et n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner au Maroc où vivent son épouse et leur enfant, et où la cellule familiale pourrait se reconstituer ; que, dans ces circonstances, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. G...à mener une vie privée et familiale normale et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. GUERIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02744