Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2018, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 mars 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 mars 2018 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités espagnoles :
- l'arrêté contesté porte atteinte aux dispositions des articles 17 et 3-2 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors, d'une part, que le préfet sous-estime la situation de son pays d'origine qu'elle a dû fuir et, d'autre part, que l'Espagne n'est pas en mesure d'examiner sa demande d'asile ; elle parle couramment le français et l'Espagne n'est qu'un pays de transition ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'elle justifie d'une relation certes récente mais bien réelle avec M. C...qui séjourne régulièrement sur le territoire français et qui est le père de l'enfant qu'elle porte ;
en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- il n'existe aucune perspective raisonnable d'exécution de la décision de remise à l'Espagne ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que la fréquence de l'obligation de pointage est disproportionnée alors qu'elle n'a pas l'intention de quitter la France et que son état de grossesse avancée l'empêche de pouvoir se déplacer chaque jour au commissariat d'Angers ; elle pourrait être réduite à une fois par semaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante guinéenne née le 5 août 1997 à Touba, est entrée irrégulièrement en France le 2 décembre 2017. Elle a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugiée auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 10 janvier 2018. Informé par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac " de ce que l'intéressée avait déjà été enregistrée le 7 novembre 2017 par les autorités espagnoles, le préfet de Maine-et- Loire a saisi l'Espagne d'une demande de prise en charge de celle-ci sur le fondement des dispositions combinées des articles 13.1 et 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités espagnoles ont explicitement accepté cette reprise en charge le 18 janvier 2018. Par deux arrêtés des 20 et 26 mars 2018, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de Mme A... aux autorités espagnoles, et d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département pour une durée de quarante cinq jours. Mme A...relève appel du jugement du 28 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités espagnoles :
2. En premier lieu, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
3. D'une part la décision de remise de Mme A...aux autorités espagnoles n'a ni pour objet ni pour effet de la contraindre à retourner en Guinée, mais seulement de la remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement se prévaloir des événements survenus dans son pays d'origine pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités espagnoles.
4. D'autre part, si l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si Mme A...soutient que les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement en Espagne dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, elle ne produit aucun élément concret à l'appui de cette allégation pour renverser la présomption contraire. Ainsi, les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 17 et 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.
5. En second lieu, aux termes de l'article 16 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit... ". Si Mme A...fait valoir qu'elle était enceinte à la date à laquelle le préfet de Maine-et-Loire a pris l'arrêté contesté et que le père de l'enfant à naître vit en France, ces seules circonstances ne sont pas de nature à établir qu'elle rentrerait dans les prévisions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 du règlement précité ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; (...) ".
7. L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci. La seule circonstance que Mme A...a entendu contester la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles n'est pas de nature à établir pas que l'exécution de cette mesure ne demeurerait pas une perspective raisonnable.
8. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par ailleurs, selon l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
9. L'arrêté assignant Mme A...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 15 heures, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers. La circonstance que l'intéressée n'a pas l'intention de quitter la France ne peut que rester sans incidence sur la légalité de la décision contestée en tant qu'elle met à sa charge les obligations précitées de pointage. Par ailleurs, si la requérante soutient que ces obligations " sont disproportionnées ", dès lors que son état de grossesse rend impossibles de tels déplacements quotidiens, elle ne produit pas d'éléments justifiant de l'impossibilité dans laquelle elle serait de satisfaire à l'obligation de pointage journalière mise à sa charge et ne fait état d'aucune activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion. Dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 20 et 26 mars 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assignée à résidence. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions présentées par Mme A...tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
La présidente, rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterL'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
M.P. Allio-RousseauLa greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Le président,
L. LAINÉ
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N°18NT01721 2
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