Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2020, M. B... A..., représenté par Me Guilbaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 24 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert et son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle au regard de sa situation et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie et des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Italie ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 novembre 2020 et le 3 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur la décision portant transfert en Italie et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 2 août 1982, est entré irrégulièrement en France le 25 janvier 2020 selon ses déclarations et a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée par la préfecture de la Loire-Atlantique le 16 juin 2020. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'il avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes, ses empreintes digitales ayant été enregistrées le 21 novembre 2016 en tant que demandeur d'asile dans le fichier Eurodac. Consécutivement à leur saisine le 17 juin 2020, les autorités italiennes ont explicitement accepté de le reprendre en charge le 23 juin suivant sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 24 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé, d'une part, de transférer l'intéressé aux autorités italiennes et, d'autre part, de l'assigner à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours. M. A... relève appel du jugement du 31 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur l'étendue du litige :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de la notification à l'administration du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transfert du requérant vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 31 juillet 2020, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 31 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté de transfert du 24 juin 2020.
5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation, présentées par M. A....
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
6. M. A... soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision préfectorale du 24 juin 2020 décidant son transfert aux autorités italiennes.
7. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... et d'autre part, si ce dernier invoque les mauvaises conditions de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, dont il affirme avoir souffert, les documents qu'il produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes, y compris au regard des conséquences de la pandémie sévissant également dans ce pays, dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est ainsi pas établi qu'il encourrait le risque de subir dans ce pays un traitement inhumain ou dégradant en méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".
10. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen des conséquences du transfert de M. A... en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. D'autre part, le récit par le requérant de son parcours d'exil ne permet pas de démontrer à lui seul qu'il serait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision de transfert en Italie d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité, y compris au regard de la situation sanitaire existant dans ce pays.
11. En troisième lieu, il n'est pas établi qu'à la date à laquelle a été adopté l'arrêté de transfert litigieux, le 24 juin 2020, le transfert du requérant en Italie ne demeurait pas, eu égard notamment aux évolutions du contexte sanitaire, une perspective raisonnable au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, en l'espèce, le 23 juin 2020, les autorités italiennes ont donné un accord explicite à ce transfert. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 24 juin 2020 prononçant son transfert en Italie.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Guilbaud et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.
Le rapporteur,
C. Rivas
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03158