Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 26 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 27 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir où, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet du Loiret s'est fondés sur des faits inexacts pour apprécier sa situation familiale entachant ainsi d'illégalité l'arrêté contesté ;
- elle est fondée à être admise au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a déposé une plainte pour proxénétisme aggravé ; le préfet a rajouté à la loi en estimant qu'elle ne relevait pas de ces dispositions dans la mesure où elle n'avait pas été informée de cette possibilité d'admission au séjour ; elle peut se prévaloir de ces dispositions au vu du seul dépôt de plainte ;
- compte-tenu de sa situation particulière le préfet aurait du lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation et est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2015, le préfet du Loiret demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme A...n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 26 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante albanaise, est entrée régulièrement en France le 28 novembre 2011, accompagnée de sa fille née le 27 juin 2009 ; qu'elle a sollicité l'admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 février 2012, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 février 2013 ; que, par arrêté du 29 mai 2013, le préfet du Loiret a refusé de l'admettre au séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire à laquelle elle n'a pas déféré ; qu'elle a sollicité le 8 octobre 2013 la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant du dépôt le 30 juillet 2013 d'une plainte pour des faits de proxénétisme aggravé ; qu'elle relève appel du jugement du 26 mai 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2014 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'à la date où l'arrêté en litige a été pris, Mme A...n'était mère que de deux enfants, le troisième étant né postérieurement ; qu'en l'absence de tout lien matrimonial avec M. D...qu'elle présente comme son compagnon, le préfet a pu la qualifier de célibataire alors, qu'en tout de cause, il mentionne également les liens invoqués ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'autorité administrative se serait fondée sur des faits matériellement inexacts ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. (...) " ; qu'aux termes de l'article 225-5 du code pénal : " Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : / 1° D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ; / 2° De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ; / 3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire. / Le proxénétisme est puni de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. " ; qu'aux termes de l'article 225-6 du même code : " Est assimilé au proxénétisme et puni des peines prévues par l'article 225-5 le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : / 1° De faire office d'intermédiaire entre deux personnes dont l'une se livre à la prostitution et l'autre exploite ou rémunère la prostitution d'autrui ; / 2° De faciliter à un proxénète la justification de ressources fictives ; / 3° De ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ; / 4° D'entraver l'action de prévention, de contrôle, d'assistance ou de rééducation entreprise par les organismes qualifiés à l'égard de personnes en danger de prostitution ou se livrant à la prostitution. " ; qu'aux termes de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : / 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 316-1 (...) " ;
4. Considérant que les dispositions de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile chargent les services de police d'une mission d'information, à titre conservatoire et préalablement à toute qualification pénale, des victimes potentielles de faits de traite d'êtres humains ou de proxénétisme ; qu'ainsi, lorsque ces services ont des motifs raisonnables d'estimer que l'étranger pourrait être reconnu victime de tels faits, il leur appartient d'informer ce dernier de ses droits en application de ces dispositions ;
5. Considérant qu'il ressort du procès-verbal de dépôt de plainte pour faits de proxénétisme du 30 juillet 2013 que la requérante n'a pas été informée de la possibilité d'admission au séjour sur le fondement des dispositions sus évoquées ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet, s'il a pris en compte cet élément, a toutefois entendu examiner sa situation au regard de ces dispositions même si cette absence d'information était de nature à révéler que l'intéressée ne pouvait être suffisamment identifiée par les services de police comme victime des infractions prévues et réprimées par l'article 225-5 du code pénal ; que le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions précitées doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que Mme A...n'établit pas être effectivement victime de proxénétisme et ne peut se prévaloir de cette circonstance pour soutenir qu'elle serait constitutive d'une considération humanitaire justifiant une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). " ; que Mme A...invoque la présence sur le territoire de ses enfants, dont deux sont reconnus par son compagnon, et la scolarisation de sa fille aînée en école maternelle ; que toutefois son entrée en France est récente et elle ne peut se prévaloir d'aucune insertion particulière ; qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache en Albanie, où la cellule familiale peut d'ailleurs se reconstituer dès lors que M. D...a fait l'objet d'une mesure d'interdiction définitive du territoire français exécutée le 25 avril 2015 ; que, dans ces conditions, la décision en cause n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7 du présent arrêt le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'alors que la demande d'admission au statut de réfugié de Mme A...a fait l'objet d'un refus définitif par les autorités compétentes en matière d'asile, elle n'apporte devant le juge aucun élément de nature à établir que sa sécurité serait personnellement menacée en cas de retour dans son pays d'origine en raison du risque de représailles familiales qu'elle se borne à alléguer sans précisions ; que, dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur le surplus des conclusions :
11. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02885