Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 10 décembre 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 14 novembre 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de transfert est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que sa fille réside en France et est titulaire d'une carte de résident et que son état de santé, marqué par un diabète, nécessite un suivi régulier ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a aussi été méconnu ;
- la décision portant assignation à résidence repose sur une décision de transfert illégale ; l'obligation de pointage deux fois par semaine au commissariat de police est disproportionnée dès lors qu'elle est atteinte de diabète.
Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante érythréenne née en 1953, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 16 septembre 2019. Les recherches effectuées sur le système Visabio ont fait apparaître qu'elle était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois, délivré par les autorités suédoises. Ces dernières, saisies le 19 septembre 2019 pour une prise en charge de Mme D..., ont expressément accepté celle-ci par décision du 23 septembre 2019. Par deux arrêtés du 14 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer l'intéressée vers la Suède et de l'assigner à résidence. Par un jugement du 10 décembre 2019, dont il est relevé appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur l'arrêté de transfert vers la Suède :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la notification à l'administration du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet pour procéder à l'exécution de la décision de transfert de la requérante vers la Suède a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 10 décembre 2019, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requérante relatives à l'annulation de l'arrêté de transfert vers la Suède.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
6. En l'espèce, s'il ressort des pièces du dossier que la fille majeure de la requérante réside en France, où elle séjourne sous couvert d'une carte de résident en qualité de réfugiée, et que la requérante souffre d'un diabète ainsi que d'hypertension artérielle, ces circonstances ne suffisent pas à établir que Mme D... se trouverait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle et qu'ainsi l'autorité administrative aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 d'instuire la demande d'asile de l'intéressée en France.
7. En second lieu, ni les faits mentionnés au point précédent, ni l'âge de la requérante, ni la circonstance, à la supposer établie, que le fils majeur de celle-ci résidant en Suède refuse de l'accueillir à son domicile ne suffisent à caractériser une atteinte disproportionnée aux droits garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il s'ensuit que l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert de la requérante vers la Suède doit être écartée.
En ce qui concerne les moyens propres à l'arrêté d'assignation à résidence :
9. La circonstance que la requérante soit atteinte d'un diabète - dont la nature n'est au demeurant pas précisée - ne révèle pas, à elle seule, que l'autorité administrative aurait commis une erreur d'appréciation en la contraignant à se déplacer deux fois par semaine au commissariat central de Nantes afin de justifier de la bonne application de la mesure d'assignation à résidence.
10. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision d'assignation à résidence. Par suite, sa requête, en tant qu'elle visait cette décision, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités suédoises.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
T. B...Le président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00080
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