Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2020, M. F... E... et Mme B... C..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mars 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 18 décembre 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les arrêtés sont entachés d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile et d'une méconnaissance de l'article 3-2 du même règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... et Mme C... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et Mme C..., ressortissants azerbaïdjanais nés respectivement en 1977 et 1973, déclarent être entrés en France le 30 juillet 2019. Le 8 octobre 2019 ils ont sollicité l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. Les recherches entreprises sur le fichier VISABIO ont révélé qu'ils étaient en possession de visas délivrés par les autorités italiennes le 27 juin 2019 et périmés depuis moins de six mois. Ces autorités ont été saisies le 15 octobre 2019 d'une demande de prise en charge qu'elle ont implicitement acceptée en application de l'article 22-7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 18 décembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de remettre M. E... et Mme C... aux autorités italiennes. Par un jugement n°s 2001209-2001210 du 20 mars 2020, dont M. E... et Mme C... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ".
3. Si M. E... et Mme C... font état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, les documents qu'ils produisent à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que leurs demandes d'asile seraient exposées à un risque sérieux de ne pas être traitées par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, et alors qu'en dépit de la crise sanitaire invoquée les conditions d'exécution des décisions préfectorales sont sans incidence sur leur légalité, il n'est pas établi que les décisions de transfert méconnaîtraient l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
4. En second lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".
5. M. E... et Mme C... font principalement valoir leur particulière vulnérabilité ainsi que leur bonne insertion en France depuis leur arrivée. Mme C... indique ainsi qu'elle a été atteinte d'un cancer du sein récidivant et qu'elle a subi en conséquence une ovariectomie alors qu'elle était en Azerbaïdjan. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, identiques à celles présentées en première instance, que sa situation sanitaire se serait dégradée alors qu'elle ne produit qu'une convocation pour un bilan de santé dans un centre hospitalier le 4 février 2020. M. E... établit pour sa part souffrir de troubles anxio-dépressifs en lien avec son passé en Azerbaïdjan, ainsi que d'une douleur en fosse iliaque associée à une pointe herniaire. Aucune pièce ne vient illustrer l'évolution de ces symptômes depuis le diagnostic posé en janvier 2020. Dans ces conditions, et nonobstant les efforts d'insertion sociale de M. E... et de son fils né en 2008, il n'est pas établi que les requérants se trouveraient dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle telle que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 décembre 2019 du préfet de Maine-et-Loire. Leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... et de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. F... E..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01352