Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2017, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 septembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la Loire-Atlantique du 7 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Allemagne :
- son droit à l'information a été méconnu au regard des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; les documents relatifs à sa demande d'asile ne lui ont été remis que le 6 septembre 2017, alors qu'il a fait part de son souhait de demander l'asile le 13 avril 2017 ;
- l'entretien n'a pas respecté les garanties posées par l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; l'identité de la personne ayant conduit l'entretien n'est pas mentionnée ni sa qualification ;
- les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues en ce que les coordonnées de l'interprète ne figurent pas sur l'acte notifiant la décision contestée et il n'est pas non plus précisé que la notification aurait été faite par un moyen de télécommunication ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle vise les dispositions de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui ne sont pas applicables en l'espèce ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle a méconnu les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision de réadmission.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant afghan né le 1er juillet 1995, est entré irrégulièrement en France le 8 avril 2017. Sans hébergement en région parisienne, il a été orienté vers un centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police de Paris où il a fait l'objet d'un premier entretien le 13 avril 2017. L'examen du fichier Eurodac a fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées le 12 avril 2016 en Allemagne. La préfète de la Loire-Atlantique a alors saisi le 27 avril 2017 les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 18 1 d du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, lesquelles ont explicitement accepté le 2 mai 2017. Toutefois, M. A...a sollicité le 6 septembre 2017 l'asile en France. Par deux arrêtés du 7 septembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique, d'une part, a prononcé la remise de M. A...aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile, et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante cinq jours. M. A...relève appel du jugement du 11 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. Selon l'article 24 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1.Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a introduit une demande de protection internationale en France le 6 septembre 2017. Ainsi, en se fondant sur l'article 24 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, applicable aux ressortissants de pays tiers qui n'ont pas présenté de nouvelle demande de protection internationale dans le pays sur le territoire duquel ils se trouvent, pour demander la reprise en charge du requérant par les autorités allemandes, la préfète de la Loire-Atlantique a entaché d'erreur de droit la décision de transfert prise par son arrêté du 7 septembre 2017.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités allemandes. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a décidé de l'assigner à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 7 septembre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a décidé la remise de M. A...aux autorités allemandes, implique qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer la demande de l'intéressé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 septembre 2017 et les arrêtés de la préfète de la Loire-Atlantique du 7 septembre 2017 portant transfert de M. A...en Allemagne et assignation à résidence sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me C...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information à la préfète de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
La rapporteure,
N. TIGER- WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03451
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