Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2017 et 10 septembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande l'annulation de ce jugement en ce qu'il a accueilli les conclusions présentées par la demande enregistrée sous le n° 1702124.
Le ministre soutient que :
- il n'y avait pas d'erreur d'appréciation de la CRRV à avoir refusé le visa sollicité dès lors qu'il était établi que les requérants n'avaient pas les moyens de financer le séjour de Mme D...et de son enfant ;
- il n'est aucunement établi par M. D...qu'il serait dans l'impossibilité de voir sa fille dans son pays ou dans un autre pays ;
- sa contribution à l'entretien de l'enfant Meriem n'est pas avérée ;
- les 1er juges devaient prendre en compte, avant d'enjoindre de délivrer les visas, la circonstance qu'un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français avait été pris à l'encontre de M. D...le 31 août 2017.
Par un mémoire, enregistré le 3 septembre 2018, M. et Mme E...et Mlle A...D..., représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de dix jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et demandent que l'Etat soit condamné à verser la somme de 2 500 euros à MeB..., sous réserve pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre des frais engagés pour l'instance en application de l'article L. 761-1 du CJA et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Ils font valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et que le tribunal administratif de Lille a, dans son jugement du 31 janvier 2018, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par une décision du 9 mars 2018, M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu le jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 31 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante algérienne née en 1984, a sollicité, le 8 juin 2015, auprès des autorités consulaires en poste à Annaba (Algérie) la délivrance de visas de court séjour pour elle-même et sa fille Meriem afin de pouvoir rendre visite à son époux, père de cette enfant née en Algérie le 17 septembre 2015. Ces demandes ont été rejetées par une décision du 23 août 2016, puis une décision implicite de refus par la CRRV le 5 décembre 2016 s'y est substituée. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est un ancien membre de " l'armée islamique du salut " qui a déposé les armes en janvier 2000 dans le cadre de l'application de la loi de concorde civile. Il est demeuré en Algérie jusqu'en 2007, date à laquelle il a fui son pays où il soutient avoir été soupçonné d'avoir renoué des liens avec la mouvance terroriste. Il établit par les pièces produites et comme l'ont estimé les premiers juges, qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), saisi d'une demande d'asile par l'intéressé, a d'ailleurs relevé qu'au regard des informations sur le traitement auquel peuvent être soumis, de la part des autorités algériennes, les anciens repentis ayant renoué avec la mouvance terroriste, les craintes de l'intéressé d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie peuvent être tenues pour fondées. Sa demande a toutefois été rejetée par l'OFPRA dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de penser que l'intéressé s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies. L'arrêté du 31 août 2017, pris par le préfet du Nord à l'encontre de M. D... a été annulé, par un jugement n° 1708760 rendu le 31 janvier 2018 par le tribunal administratif de Lille, à l'encontre duquel le ministre a fait appel. Par le présent recours, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, relève appel du jugement n° 1600206/1702124 du 28 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi d'une demande d'annulation présentée par M. et MmeD..., a, par les articles 1, 3 et 4 de ce jugement, fait droit à leur demande d'annulation de cette décision implicite de la CRRV, lui a enjoint de délivrer à Mme D...et à sa fille un visa de court séjour.
2. Selon les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". M. D...n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, qu'il subviendrait aux besoins de l'enfant Meriem, ni même qu'il solliciterait de ses nouvelles par le biais de son épouse. En tout état de cause, il n'est pas établi que Meriem, née en Algérie en 2015, ne pourrait pas voir son père dans un autre pays que la France ou l'Algérie. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que la décision de la CRRV avait été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux doits de l'enfant.
3. Il y a lieu, en application de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. et MmeD....
4. Les trois visas de court séjour précédemment obtenus par Mme D...en 2012, 2013 et 2014 et sa grossesse en 2014 ne peuvent suffire à établir, à eux seuls et en l'absence d'échanges entre ces brefs séjours en France, le maintien de liens entre les époux. Dans ces conditions et compte tenu des mêmes éléments que ceux évoqués au point 2 et du peu d'éléments relatifs au maintien de liens entre les époux, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1, 3 et 4 du jugement n° 1600206 - 1702124 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la CRRV a refusé à M. et Mme D...la délivrance de deux visas de court séjour en faveur de Mme D...et de sa fille Meriem, a enjoint au ministre de délivrer les visas sollicités et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1, 3 et 4 du jugement n° 1600206 - 1702124 du 28 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme E...et Mlle A...D...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée, ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à M. et MmeE....
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUETLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT04000