Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 juillet 2013 et 21 juillet et 21 septembre 2014, M. et MmeC..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité d'ayant-droit de leurs enfants mineurs, représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 mai 2013 ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier de Quimper et le centre hospitalier de Brest à leur verser la somme de 40 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter des 5 et 9 mars 2010, date de rejet de leurs demandes préalables, ces intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Quimper et du centre hospitalier de Brest la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir distingué la qualité des requérants, d'être suffisamment motivé et d'avoir repris l'ensemble des moyens ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu la perte de chance de survie de Flore puisque, d'une part, elle avait atteint le terme de 25 semaines, pesait 715 grammes et disposait d'une chance réelle de survie et, d'autre part, le décès résulte d'une série de négligences médicales et d'erreurs de diagnostic, notamment l'ignorance du rétrécissement important du col de l'utérus, un défaut d'attention malgré les difficultés de la première grossesse, l'absence de transfert vers le centre hospitalier universitaire de Brest en temps utile et l'absence de tentative de réanimation de l'enfant à sa naissance ;
- Mme C... n'a pas été informée des conséquences pour sa fille des anesthésiques qui lui ont été administrés au cours du travail alors que ces traitements ont hypothéqué les chances de survie de l'enfant ;
- ces injections, réalisées sans son consentement éclairé, ont porté atteinte à l'intégrité physique de Mme C... ;
- le décès de Flore sans aucune assistance quelques minutes après sa naissance révèle une atteinte à la dignité de l'enfant ;
- la circonstance que des clichés et une empreinte de sa fille Flore ont été remis à Mme C... qui n'y avait pas consenti a porté atteinte au droit à l'image de leur fille défunte et leur a causé un préjudice propre ;
- eu égard à une perte de chance de survie évaluée à 75 %, l'intégralité de leurs préjudices doit être indemnisée par une somme totale de 40 000 euros ;
- le docteur Nizharadze, praticien contractuel associé, ne disposait pas des diplômes et qualifications nécessaires pour prendre en charge Mme C... comme il l'a fait le 26 mai 2008, le 29 mai 2008 et le matin du 6 juin 2008 ; ce praticien a pris seul la décision de ne pas réanimer l'enfant alors qu'il ne pouvait le faire sans en référer à son chef de service ; n'étant pas inscrit au tableau de l'ordre des médecins, il exerçait illégalement la médecine ; ces circonstances sont constitutives d'une faute du centre hospitalier de nature à engager sa responsabilité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2013 et 19 septembre 2014, le centre hospitalier universitaire de Brest et le centre hospitalier de Quimper, représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce que soutiennent les requérants, la demande a été introduite devant le tribunal administratif de Rennes au seul nom de M. et Mme C... ; le jugement attaqué vise les moyens et les conclusions des consortsC... ; ce jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;
- le lien de causalité entre les manquements invoqués dans la prise en charge de la grossesse de Mme C... et les conditions de la naissance de leur fille Flore n'est pas établi de manière directe et certaine et, faute de démontrer l'existence d'une désorganisation dans la continuité des soins, les requérants ne peuvent invoquer une perte de chance de survie de l'enfant ;
- la grossesse de Mme C... a fait l'objet d'une surveillance appropriée par le médecin du centre hospitalier universitaire de Brest qui l'a prise en charge au centre hospitalier de Carhaix ; l'état de Mme C... ne nécessitait pas qu'elle soit hospitalisée avant le 26 mai 2008, date à laquelle l'échographie a révélé que le col de l'utérus ne mesurait que 16 millimètres ; l'expertise ordonnée par le tribunal administratif indique qu'il n'est pas certain qu'une hospitalisation dès cette date, au lieu du 31 mai 2008 comme cela a été le cas, aurait permis d'éviter l'accouchement prématuré ;
- les soins apportés à Mme C... au centre hospitalier de Quimper du 31 mai au 5 juin 2008 ont été conformes aux données acquises de la science ; contrairement à ce que soutiennent les consortsC..., le tranfert vers la maternité du centre hospitalier universitaire de Brest ne pouvait avoir lieu avant la vingt cinquième semaine de grossesse ;
- l'argumentation selon laquelle à 25 semaines l'enfant était en situation de bénéficier d'une réanimation à sa naissance est purement théorique alors que, dans les faits, l'enfant est né dans un contexte infectieux important rendant toute réanimation inutile ; l'enfant est né en état de mort apparente et aucune faute ne peut être reprochée au centre hospitalier de Quimper dans l'application des protocoles de réanimation foetale ;
- eu égard au contexte d'extrême urgence dans lequel les calmants ont été administrés au cours de l'accouchement, aucun défaut d'information de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ne peut être retenu ;
- les souffrances de Flore sont dues, non à l'administration de sédatifs puissants ou aux conditions de l'accouchement au cours duquel toutes les précautions d'usage ont été prises, mais à son état infectieux ; les moyens tirés de la méconnaissance de sa dignité au cours de la fin de vie ou de la violation de la vie privée ne sont assortis d'aucune justification ;
- le pourcentage de perte de chance ne repose sur aucune explication ; le décès de l'enfant ne pourrait ouvrir droit qu'à une réparation du préjudice moral en résultant pour ses parents ;
- le docteur Nizharadze, praticien contractuel associé, disposait des diplômes et qualifications nécessaires pour prendre en charge Mme C... et exerçait régulièrement au sein de l'établissement.
Par une lettre, enregistrée le 2 décembre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère a indiqué qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance.
Par un arrêt n°13NT02049 du 16 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. et MmeC....
Par une décision n° 386362 du 10 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 16 octobre 2014 en tant qu'il se prononce sur la responsabilité du CHU de Brest et du centre hospitalier de Quimper au titre du suivi de la grossesse de Mme C...pendant la période allant jusqu'au 26 mai 2008 inclus et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette limite.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2016, M. et MmeC..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité d'ayant-droit de leurs enfants mineurs, représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'ordonner une expertise avant-dire droit sur la responsabilité du CHU de Brest et du centre hospitalier de Quimper au titre du suivi de la grossesse de Mme C...pendant la période allant jusqu'au 26 mai 2008 inclus ;
2°) de condamner solidairement le CHU de Brest et le centre hospitalier de Quimper à leur verser les indemnités suivantes :
- 9 750 euros en réparation de la perte de chance de survie de Flore, victime directe, dont ils sont ayant-droit,
- 9 000 euros à MmeC..., sa mère, et 9 000 euros à M.C..., son père, et 6 000 euros à Gabriel, son frère, victimes par ricochet,
- ces sommes étant assortis des intérêts moratoires à compter des réclamations préalables des 5 et 9 mars 2010, et ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;
3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Brest et du centre hospitalier de Quimper le versement d'une somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le docteur Marinouchkine, au centre hospitalier de Carhaix, ne lui a pas apporté l'attention nécessaire bien qu'elle lui ait clairement exposé ses antécédents de grossesse à risque en 2005, aggravés par la détection de deux fibromes en décembre 2007 ; il ne prend pas la décision de l'hospitaliser le 26 mai 2008 malgré l'alerte donnée par une sage-femme libérale sur le col court ;
- le docteur Nizharadze, au centre hospitalier de Quimper, qu'elle a consulté le 26 mai 2008, ne lui a pas davantage apporté l'attention nécessaire et refuse de l'hospitaliser le 29 mai suivant malgré la présence de sang dans ses urines ;
- elle ne sera hospitalisée que le 31 mai suivant alors qu'elle revient consulter après avoir perdu les eaux, sur décision du docteur Deslandes qui s'est assurée de l'accord de son transfert à l'hôpital Morvan de Brest à 25 semaines d'aménorrhée (seuil de viabilité du foetus) ;
- pendant cette hospitalisation on ne prendra pas davantage en compte ses alertes ;
- l'accouchement interviendra en urgence le 6 juin 2008, et le docteur Nizharadze ne tient aucun compte de la viabilité possible de l'enfant, prescrivant l'administration de drogues à la mère dangereuses pour l'enfant, ne tentant aucune réanimation alors que l'enfant est née en vie ;
- le rapport d'expertise du docteur Bouchez ne se prononce aucunement sur le lien de causalité entre ces défauts de prise en charge et le décès de l'enfant ;
- les errements et retards dans la prise en charge thérapeutique n'ont pu qu'avoir un lien de causalité sur la perte de chance de vie dès lors, d'une part, qu'à sa naissance Flore avait atteint le seuil de viabilité de 25 semaines et dépassé le seuil critique de poids de 700 grammes (elle pesait 750 grammes), et dès lors d'autre part, que les défauts de prise en charge précités, la discontinuité des soins et les défauts de coordination se sont cumulés et ont fait perdre à Flore toute chance de survie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest et le centre hospitalier de Quimper, représentés par MeE..., concluent au rejet des demandes des époux C...et de la caisse primaire d'assurance-maladie du Finistère.
Ils soutiennent que :
- les fautes commises dans le suivi de la grossesse de Mme C...n'ont pu être à l'origine d'aucune perte de chance pour l'intéressée d'éviter d'une part, un accouchement aussi prématuré, et d'autre part, d'éviter le décès de l'enfant ;
- l'expert a en effet relevé qu'il n'était pas certain qu'une hospitalisation dès le 26 mai 2008 aurait permis d'éviter l'accouchement prématuré, lequel a été provoqué par une infection du cordon ombilical ;
- l'expert a en outre relevé que cette infection était une complication survenant après rupture des membranes du sac gestationnel, et que l'autopsie, si elle avait été autorisée par les parents, auraient probablement révélé une infection du foetus ;
- du fait de cette infection, et même si des manoeuvres de réanimation avaient été tentées, l'enfant n'avait pas de chance de vie.
Par ordonnance du 2 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de MmeC....
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C... a connu une première grossesse pathologique en 2005, suivie avec succès par le centre hospitalier Morvan à Brest ; qu'à partir de janvier 2008, le suivi de sa deuxième grossesse a été assuré par l'hôpital de Carhaix, dépendant du centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest, le centre hospitalier de Quimper ayant refusé de la prendre en charge ; qu'au cours de ce suivi, Mme C...a plusieurs fois fait état de douleurs et attiré l'attention du gynécologue-obstétricien sur ses antécédents, sans que ce médecin ne demande la communication de son dossier médical ni ne procède aux examens complémentaires appelés par son état ; qu'un examen réalisé par une sage-femme le 26 mai 2008, à vingt-trois semaines et deux jours d'aménorrhée, a montré que son col de l'utérus ne mesurait plus que 16 mm ; que devant l'impossibilité d'obtenir une consultation médicale immédiate à Carhaix, Mme C...s'est rendue le jour même au centre hospitalier de Quimper, où elle a été examinée par un praticien qui l'a autorisée à regagner son domicile en l'absence de contractions ; qu'elle a de nouveau consulté ce médecin le 29 mai 2008 à la suite de pertes sanglantes, avec le même résultat ; qu'elle a été hospitalisée dans cet établissement le 31 mai 2008 après une fissure de la poche des eaux ; que l'accouchement de Mme C...s'est déclenché dans les premières heures du 6 juin 2008, premier jour de la vingt-cinquième semaine d'aménorrhée ; que la patiente a été conduite en salle de naissance où le médecin a autorisé l'anesthésiste à lui administrer un sédatif et un analgésique susceptibles d'avoir des effets nocifs sur l'enfant, dont il a estimé que les chances de survie étaient nulles ; que l'enfant, née à 7 h 10, est décédée à 7 h 13, sans qu'il soit pratiqué de manoeuvres de réanimation ; que par un jugement n°1001600 du 15 mai 2013 le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et de Mme C...tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Brest et du centre hospitalier de Quimper à leur verser la somme de 40 000 euros, en réparation des préjudices consécutifs au décès de leur fille, Flore ; que par un arrêt n°13NT02049 du 16 octobre 2014, la cour de céans a rejeté leur appel contre ce jugement ; que, par décision n°386362 du 10 mars 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi présenté par M. et MmeC..., a annulé l'arrêt du 16 octobre 2014 en tant qu'en ne recherchant pas si les défauts d'attention dans le suivi ambulatoire de Mme C...au centre hospitalier de Carhaix et dans la prise en charge de la patiente à partir du 26 mai 2008 au centre hospitalier de Quimper n'avaient pas fait perdre une chance d'éviter un accouchement aussi prématuré et le décès de l'enfant qui en est résulté, alors qu'elle ne pouvait écarter une telle perte de chance que si elle pouvait affirmer qu'une prise en charge adéquate aurait eu la même issue, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la cour dans la mesure de la cassation prononcée ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que lorsqu'une pathologie prise en charge dans des conditions fautives a entraîné une détérioration de l'état du patient ou son décès, c'est seulement lorsqu'il peut être affirmé de manière certaine qu'une prise en charge adéquate n'aurait pas permis d'éviter ces conséquences que l'existence d'une perte de chance ouvrant droit à réparation peut être écartée ;
3. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise qu'en ce qui concerne, d'une part, le suivi de la grossesse de Mme C...à l'hôpital de Carhaix, le praticien de cet établissement n'a pas porté l'attention nécessaire au cas de la requérante, alors que son précédent accouchement prématuré en 2005 et les deux fibromes séreux détectés en novembre 2007 la classaient comme grossesse à haut risque ; qu'il n'a, en particulier, ni communiqué avec l'hôpital Morvan qui avait suivi sa précédente grossesse, ni surveillé attentivement l'aspect et les dimensions du col de l'utérus et des fibromes, et qu'il a, au surplus, autorisé la patiente à faire un voyage en voiture jusqu'en Pologne au mois de mars 2008 ; qu'enfin, bien qu'alerté le 26 mai 2008 par une sage-femme extérieure à l'établissement, sur le col court de 16 mm, il n'a pas décidé l'hospitalisation de la patiente et s'est borné à lui accorder un rendez-vous seulement 48 heures plus tard ; qu'en ce qui concerne, d'autre part, la surveillance au centre hospitalier de Quimper, le gynécologue de ce second établissement, pourtant également alerté par la sage femme sur le col court à 16 mm, n'a pas davantage prescrit l'hospitalisation de Mme C...dès le 26 mai 2008 et a seulement prévu de la revoir en consultations hebdomadaires ; que la patiente sera finalement hospitalisée le 31 mai 2008, à 23,6 semaines d'aménorrhée, alors qu'elle présente une rupture ou fissuration des membranes ; que malgré le traitement antibiotique administré à l'hôpital, une infection des membranes et du cordon ombilical, ou chorio-amniotite, complication survenant après rupture des membranes, s'est développée et a déclenché de manière irréversible, le 6 juin 2008, les contractions et l'accouchement très prématuré dans les conditions d'urgence relatées au point 1 du présent arrêt ; que selon l'expert, la réalisation d'un cerclage à chaud aurait dû être discutée le 26 mai 2008 ;
4. Considérant que les épouxC..., déjà parents d'un enfant né prématurément en 2005 et en bonne santé, ont depuis lors donné naissance à un petit garçon en 2014, et que cette nouvelle grossesse a été menée à bien malgré la pathologie du col de l'utérus dont souffre la requérante et les deux fibromes sous-séreux, à la faveur d'un suivi renforcé par les praticiens de la maternité régionale de Nancy ; que les requérants établissent ainsi que la chorio-amniotite à l'origine de l'accouchement excessivement prématuré et du décès consécutif de l'enfant, aurait pu être évitée par une prise en charge adéquate, ou à tout le moins être décelée et traitée en temps utile ; que les manquements précités dans la prise en charge et le suivi médical de Mme C...pendant sa grossesse doivent, dès lors, être regardés comme ayant privé l'enfant Flore d'une chance de survie ; que M. et Mme C...sont ainsi fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande au motif que les fautes commises dans le suivi de la grossesse n'avaient pas privé leur fille d'une chance de survie ;
5. Considérant que compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, et bien que l'expert, s'il indique que " même si Mme C...avait été hospitalisée dès le 26 mai 2008, il n'est pas absolument certain que l'accouchement prématuré aurait pu être évité ", ne se prononce pas sur l'ampleur de la chance perdue, du fait des manquements précités dans la prise en charge et le suivi médical de Mme C...pendant sa grossesse, d'éviter la rupture des membranes et la survenance de la chorio-amniotite à l'origine de l'accouchement excessivement prématuré et du décès consécutif de l'enfant, il sera fait une juste appréciation de l'ampleur de cette chance perdue en condamnant solidairement le CHU de Brest et le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille à réparer les conséquences de l'aggravation de l'état de santé de l'enfant et de son décès à hauteur de 80% ;
Sur l'indemnisation du préjudice :
6. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis les chances de la victime d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
7. Considérant, en premier lieu, que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que, par suite, M et Mme C...ne sont pas fondés à solliciter, ès qualité d'ayants-droit de leur fils Gabriel, né en 2014, l'indemnisation du préjudice moral de celui-ci résultant du décès de sa soeur, Flore, survenu avant sa naissance ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme C...demandent, ès qualité d'ayants-droit de leur fille Flore, la réparation du " préjudice de vie perdue " que celle-ci aurait subi, un tel préjudice n'est toutefois pas distinct de celui résultant du décès, lequel ne saurait ouvrir droit à réparation dans le chef du défunt ;
9. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme C...sont fondés à solliciter l'indemnisation de leur préjudice moral consécutif au décès de leur fille Flore ; que ce préjudice sera fixé à 20 000 euros pour chacun des parents ; que cette somme sera ramenée à 16 000 euros pour chacun d'eux afin de tenir compte de la perte de chance imputable solidairement au CHU de Brest et au centre hospitalier de Quimper-Cornouaille, évaluée à 80 % ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
10. Considérant que les requérants ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2010, date de réception de leur réclamation préalable par les établissements hospitaliers en cause ; que ces intérêts porteront sur la somme globale de 32 000 euros que le centre hospitalier universitaire de Brest et le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille devront solidairement verser aux parents de l'enfant ; que ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 14 avril 2016 , date à laquelle cette demande a été formulée pour la première fois, et, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CHU de Brest et du centre hospitalier de Quimper une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 mai 2013 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Brest et le centre hospitalier de Quimper sont condamnés solidairement à verser à M. et Mme C... la somme de 32 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception de leur réclamation préalable du 5 mars 2010 et ces intérêts seront capitalisés à compter du 14 avril 2016 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Brest et le centre hospitalier de Quimper sont condamnés solidairement à verser à M. et Mme C... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à M. D... C..., au centre hospitalier universitaire de Brest, au centre hospitalier de Cornouaille-Quimper et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sud.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00842