Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mai 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision née le 23 août 2019 ainsi que l'arrêté du 30 septembre 2019 de la préfète de l'Orne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Orne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est intervenue en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la réalité de sa vie privée et familiale en France ;
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2020, la préfète de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant haïtien né le 30 octobre 1989, est régulièrement entré en France le 18 janvier 2015 muni d'un visa C. il y a fait une demande d'asile qui a été rejetée en dernier lieu par une décision du 10 juin 2016 de la Cour nationale du droit d'asile le 10 juin 2016. Il a alors fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 16 janvier 2017. Il a ensuite déposé le 23 avril 2019 une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a été implicitement rejetée. Après une procédure contradictoire, la préfète de l'Orne a pris à son encontre un arrêté du 30 septembre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un jugement du 18 mars 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de la préfète de l'Orne rejetant sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du 30 septembre 2019 de la même autorité portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur le bien- fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... se maintient irrégulièrement en France depuis le rejet de sa demande d'asile en 2016, il vit en concubinage depuis cette même année avec une ressortissante haïtienne née en 1990, venue rejoindre son père français en France en 2005 et titulaire depuis 2009 d'une carte de résident, qui a été renouvelée en 2019. Le couple est parent d'une enfant née le 9 septembre 2017 et s'est marié le 26 mai 2018. L'intensité des liens unissant cette famille est établie par diverses pièces au dossier, dont le témoignage de leur médecin généraliste et celui de la responsable de la structure ayant gardé leur enfant. Au surplus, M. A... a présenté une promesse d'embauche pour un emploi de peintre en bâtiment en contrat à durée indéterminée, attestant ainsi de sa volonté d'insertion économique. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour opposée par la préfète de l'Orne est intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle doit, pour ce motif, être annulée.
4. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Orne du 30 septembre 2019 portant obligation, pour M. A..., de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour qui lui a été implicitement opposé par la préfète de l'Orne et de l'arrêté du 30 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la préfète de l'Orne, dans un délai de deux mois, de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais du litige :
7. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1902440 du 18 mars 2020 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La décision implicite de la préfète de l'Orne née le 23 août 2019 refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, ainsi que son arrêté du 30 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de l'Orne de délivrer à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 4 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01530