Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 23 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 du préfet de la Seine-Maritime décidant son transfert aux autorités allemandes ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de trois jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 janvier et 12 janvier 2021, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et que, si son argumentaire était écarté, l'avis du Conseil d'Etat pourrait être sollicité sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant afghan né le 4 août 1996, est entré en France irrégulièrement et a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système Eurodac a permis de constater que, préalablement au dépôt de sa demande en France, il avait sollicité l'asile auprès des autorités allemandes. Saisies le 29 septembre 2020 sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 par le préfet de la Seine-Maritime d'une demande de transfert de M. C..., les autorités allemandes ont expressément accepté leur responsabilité le 2 octobre 2020 sur ce fondement. Par un arrêté du 2 octobre 2020 le préfet de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de M. C... aux autorités allemandes. Par un jugement du 23 novembre 2020, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". Par ailleurs, l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte d'une part de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'autre de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. M. C... fait valoir que sa demande d'asile présentée en Allemagne a été rejetée par les autorités de ce pays et qu'en conséquence il va être reconduit en Afghanistan, pays où il craint pour son intégrité. Toutefois, d'une part, en principe, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. D'autre part, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'intéressé ne produit par ailleurs pas d'élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que les autorités allemandes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties procédurales exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert du requérant en Allemagne l'exposerait à un refoulement indirect vers son pays d'origine susceptible d'entraîner pour lui des traitements inhumains ou dégradants. Il n'est par ailleurs pas établi que l'intéressé ne pourrait, alors même que les autorités allemandes ont rejeté sa demande d'asile, faire utilement valoir tout nouvel élément tenant à sa situation personnelle, ou à celle régnant en Afghanistan, avant qu'il soit procédé à un éventuel éloignement après son transfert. Dès lors, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité, y compris au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2020 du préfet de la Seine-Maritime. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT04054