Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2021, M. et Mme D... et F... A..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 novembre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 17 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant leurs transferts ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer leurs situations dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés ne sont pas suffisamment motivés ;
- les décisions sont entachées d'une erreur de droit, révélant un défaut d'examen de leurs situations, dès lors que l'article 14 paragraphe 2 trouvait à s'appliquer, et non l'article 3 paragraphe 2 du même règlement ;
- ils sont intervenus à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- les arrêtés procèdent d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
- les décisions sont intervenues en violation des stipulations de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... et Mme F... A..., ressortissants albanais respectivement nés les 13 juin 1977 et 26 mars 1990, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 17 juillet 2020 avec leurs deux enfants mineurs. Le 23 juillet 2020 leurs demandes d'asile ont été enregistrées par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac, consécutive au relevé de leurs empreintes digitales, a révélé que celles-ci avaient déjà été enregistrées en Allemagne le 2 janvier 2020 et qu'ils avaient déposé une première demande de protection internationale dans ce pays. Saisies par les autorités françaises le 27 juillet 2020, les autorités allemandes ont expressément accepté le 31 juillet 2020 le transfert des époux A... et de leurs deux enfants nés en 2009 et 2012, sur le fondement du d) du I de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un jugement du 3 novembre 2020, dont M. et Mme A... relèvent appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté les recours de M. et Mme A... formés contre les arrêtés du 17 août 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités allemandes responsables de leurs demandes d'asile.
2. En premier lieu, les requérants reprennent en appel les moyens invoqués en première instance tirés d'une insuffisance de motivation de leurs arrêtés respectifs de transfert et d'une méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par la première juge aux points 4 à 10 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 " hiérarchie des critères " du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre (...) " et de l'article 14 " entrée sous exemption de visa " du même règlement : " 1. Lorsqu'un ressortissant de pays tiers ou un apatride entre sur le territoire d'un État membre dans lequel il est exempté de l'obligation de visa, l'examen de sa demande de protection internationale incombe à cet État membre. / 2. Le principe énoncé au paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le ressortissant de pays tiers ou l'apatride introduit sa demande de protection internationale dans un autre État membre dans lequel il est également exempté de l'obligation d'être en possession d'un visa pour y entrer. Dans ce cas, c'est cet autre État membre qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ".
4. M. et Mme A... soutiennent que les décisions de transfert contestées sont intervenues en méconnaissance de ces dispositions dès lors qu'ils sont entrés en France en provenance d'Allemagne et qu'ils sont dispensés de l'obligation de visa. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de leur demande de protection internationale en France, en provenance directe d'Allemagne, ils avaient déjà déposé une demande d'asile en Allemagne, qui avait été rejetée. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées seraient intervenues en violation du 2 de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et révéleraient, pour ce motif, un défaut d'examen de leurs situations.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
6. La circonstance que M. et Mme A... et leurs enfants ont trouvé en France des conditions d'accueil plus favorables que celles qui leur auraient été réservées en Allemagne, tout comme leur qualité de demandeur d'asile et la présence de leurs deux enfants nés en 2009 et 2012, n'établissent pas l'existence d'une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire leurs demandes d'asile en France. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas examiné leur situation au regard de l'article 17 du règlement précité, il n'est pas établi que celui-ci aurait entaché les décisions de transfert de M. et Mme A... d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ce même article 17.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. ". Aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
8. Alors que les allégations des requérants sur les mauvaises conditions d'accueil et de séjour subies en Allemagne ne sont pas établies, la circonstance que leurs enfants auraient trouvé en France une certaine stabilité du fait de leur hébergement ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur de ces derniers n'aurait pas été pris en compte alors surtout qu'à la date des arrêtés portant transfert ils ne séjournaient en France que depuis un mois selon les déclarations de leurs parents. Par suite, les décisions contestées n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droit de l'enfant ni les dispositions de l'article 6-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 17 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme D... et F... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00372