Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2017, la société ID Verde, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 juillet 2017 ;
2°) de condamner la commune de Paimboeuf à lui verser la somme de 73 505 euros TTC au titre des frais qu'elle a exposés pour la reprise des désordres ayant affecté le sol des cours de récréation du groupe scolaire municipal et la somme de 18 156,63 euros au titre des dépens ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Paimboeuf une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé et par suite irrégulier ;
- la responsabilité de la commune est engagée à raison des défauts de conception de l'ouvrage ; le défaut de conseil du maître d'oeuvre tant dans l'élaboration initiale du CCTP que dans la validation du revêtement posé ne peut être de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ; la commune de Paimboeuf a commis une faute non seulement en validant, sur conseil de son maître d'oeuvre, l'utilisation du Stabex mais également en prescrivant dans le CCTP du marché le recours à un revêtement de type stabilisé ;
- en conséquence la commune de Paimboeuf, éventuellement le maitre d'oeuvre par la voie de l'appel en garantie, doit être condamnée à lui verser la somme de 73 505 euros TTC au titre des nouveaux travaux réalisés à sa demande au cours du mois d'août 2011 consistant en l'enlèvement du revêtement stabilisé, la fourniture et la pose d'un enrobé bitumé et de bordures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2017, la société Ciments Calcia, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de toute partie perdante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que comme en première instance, il convient de la mettre hors de cause, la société ID Verde ne demandant pas sa condamnation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, la commune de Paimboeuf, représentée par MeC..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la condamnation du cabinet d'architecture Debard-David-Le Corvec à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et demande en outre qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ID Verde en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société ID Verde ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, le maître d'oeuvre a manqué à ses obligations contractuelles découlant de sa mission de conception en lui proposant un produit inadapté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2018, le cabinet d'architecture Debard-David-Le Corvec, représenté par MeB..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie formulé par la commune de Paimboeuf, à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit diminuée et à ce que la société ID Verde la garantisse intégralement et en tout état de cause à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société ID Verde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société ID Verde ne justifie pas que sa requête a été introduite dans le délai prévu à l'article R. 811-2 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par la société ID Verde ne sont pas fondés ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune de Paimboeuf.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 7 mars 2008, la commune de Paimboeuf a confié une mission de maitrise d'oeuvre complète, en vue de la construction d'équipements scolaires, à un groupement conjoint, représenté par le cabinet d'architecture Debard, David, Le Corvec. La commune de Paimboeuf a également conclu le 3 novembre 2009 avec la S.A.S. I.S.S. Espaces Verts, devenue la société ID Verde, un marché portant sur l'aménagement extérieur de ces équipements (lot n° 17), pour un montant de 385 033,15 euros HT soit 460 499,65 euros TTC. Les travaux se sont déroulés au cours du mois de mars 2011. Cependant, avant la réception des ouvrages réalisés par la société ID Verde, il est apparu que la surface du revêtement stabilisé se délitait de sorte qu'une réserve a été mentionnée sur ce point lors de la réception du 6 avril 2011. La société ID Verde a levé cette réserve en effectuant un balayage des cours. Toutefois, le phénomène de dégradation du revêtement de sol des cours de récréation a été constaté quelques jours après l'ouverture du groupe scolaire, intervenue le 9 mai 2011. La commune de Paimboeuf a alors demandé à la société titulaire du lot de procéder au retrait des revêtements de sol dans les deux cours de récréation et de les remplacer par des revêtements en bitume. Saisi par la société ISS Espaces verts d'une demande de référé-constat, le président du tribunal administratif de Nantes a désigné un expert chargé de décrire les désordres affectant le sol des deux cours de récréation ainsi que les préjudices en résultant. Son rapport a été remis le 9 août 2011. La société ID Verde a alors procédé à la dépose des revêtements de sol et à la mise en oeuvre de revêtements bitumés, et a adressé deux devis s'élevant à la somme totale de 61 459 euros HT à la commune de Paimboeuf, qui les a validés. Estimant que ces désordres ne lui étaient pas imputables mais tenaient à l'inadaptation du revêtement stabilisé indiqué par les documents du marché et la maîtrise d'oeuvre, la société ID Verde a adressé à la commune de Paimboeuf, par courrier du 10 avril 2012, une demande indemnitaire à hauteur de 62 451,90 euros HT, correspondant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise à sa charge des frais correspondant aux travaux de reprise des désordres affectant les revêtements de sol des cours de récréation du groupe scolaire, augmentée de 1 187,50 euros au titre des frais et honoraires d'expertise mis à sa charge par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 25 août 2011. Aucune réponse n'ayant été apportée à sa demande, la société ID Verde a saisi le tribunal administratif de Nantes en vue de la condamnation de la commune à lui verser cette somme. Par un jugement avant dire droit du 26 mars 2014, le tribunal administratif a ordonné une expertise en vue notamment de déterminer si les désordres constatés étaient évolutifs ou généralisés et s'ils ont été de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou à compromettre sa solidité. Ce deuxième rapport d'expertise a été rendu le 27 septembre 2016. Par un jugement du 20 juillet 2017, dont la société ID Verde relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Paimboeuf à lui verser une somme de 73 505 euros TTC au titre des frais qu'elle a exposés pour la reprise des désordres ayant affecté le sol des cours de récréation du groupe scolaire municipal et la somme de 18 156, 63 euros au titre des dépens.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "
3. Il ressort des mentions du jugement attaqué que la demande dont était saisi le tribunal administratif de Nantes par la société ID Verde tendait à la condamnation de la commune de Paimboeuf à payer le prix des travaux réalisés pour la reprise des sols des cours de récréation du groupe scolaire municipal. Les premiers juges, qui n'étaient en tout état de cause pas liés par les conclusions des rapports d'expertise déposés en 2011 et 2016, ont estimé que les désordres affectant le revêtement des cours de récréation du groupe scolaire municipal étaient de nature à le rendre impropre à sa destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs. En indiquant dans ces conditions, pour écarter sa demande indemnitaire, qu'il résultait " de l'instruction que les désordres sont imputables à la société Id Verde, en charge de la pose du revêtement défectueux et titulaire du lot n°17 de l'opération portant sur l'aménagement extérieur ", c'est-à-dire en retenant la responsabilité de la société ID Verde en raison des missions qui lui ont été confiées par le maître de l'ouvrage, sans se prononcer expressément sur la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre, à l'encontre duquel la société ID Verde n'a formulé aucune demande de condamnation, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, il résulte des deux rapports d'expertise établis en 2011 et 2016, que les désordres qui ont fait l'objet des travaux de reprise par la société ID Verde consistaient en la présence importante de poussière sur une épaisseur d'environ 8 mm dans les cours ainsi que sur les châssis menuisés en bordure de la cour, sur le restaurant scolaire au niveau du mobilier, la présence de gravillons devenus libres, la forte présence d'humidité sur une épaisseur de 3,5 cm environ et une dégradation du revêtement sur une épaisseur de 10 mm. De tels désordres étaient de nature à rendre impossible la mise à disposition des cours d'école compte tenu de la nature des revêtements, même pour un usage courant, favorisaient les chutes notamment en raison d'un délitement des surfaces et rendaient fréquents les nettoyages des locaux. Ainsi, il résulte de l'instruction que ces désordres, évolutifs et généralisés, rendaient 1'ouvrage impropre à sa destination et étaient au nombre de ceux engageant la responsabilité décennale des constructeurs.
5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte clairement du rapport d'expertise établi en 2016 que la cause principale de ces désordres est le choix et la pose d'un revêtement inadapté pour une cour d'école compte tenu des produits le composant. Il ne résulte d'aucune pièce ou analyse technique du dossier que le principe même du recours à un revêtement de type stabilisé dans une cour d'école serait inadéquat. En revanche, si le CCTP initial prévoyait la mise en oeuvre d'un produit " Enverr'paq ", utilisant un liant à base de billes de verre recyclées appelé " Ecostabil ", il est précisé dans le rapport d'expertise que c'est la société ID Verde de sa propre initiative et pour une raison inconnue qui a proposé le changement de revêtement pour les extérieurs et a demandé à la maîtrise d'oeuvre de valider l'utilisation du produit " Stabex ", composé de chaux hydraulique associé à un liant minéral à effet pouzzolanique et comportant un dosage plus ou moins important de sable. Ainsi, il résulte de l'instruction que les désordres affectant le revêtement des cours de récréation étaient essentiellement imputables à la société ID Verde, entreprise titulaire du lot n°17, qui a proposé la modification de la nature du produit posé et a réalisé les travaux. Alors même que, dans une moindre mesure, le groupement de maîtrise d'oeuvre qui a validé les propositions de cette société sans vérifier le domaine d'application du revêtement substitué pourrait être également tenu pour partie responsable, la commune de Paimboeuf était ainsi fondée à rejeter la demande de la société ID Verde tendant au versement d'une somme équivalente au prix des travaux de reprise nécessaires permettant de faire disparaître les manifestations des désordres apparus dans le cadre de la garantie décennale et dont la réparation incombait à l'entreprise.
6. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Paimboeuf soit à l'origine de la modification de la nature du revêtement initialement prévu par 1'article 2.14 du CCTP ni qu'elle ait été alertée de ce que le nouveau procédé, le revêtement Stabex choisi par la société ID Verde, n'était pas adapté à une utilisation ayant pour destination une cour d'école. Le maître de l'ouvrage s'est borné à valider ce choix en termes d'aspect, après avoir recueilli l'avis favorable du cabinet d'architecte Debard-David-Le Corvec, maître d'oeuvre. Dans ces conditions, la société ID Verde n'est pas fondée à soutenir que le choix d'un matériau inadapté serait imputable au maître d'ouvrage.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société ID Verde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Paimboeuf à lui verser une somme de 73 505 euros TTC et, par voie de conséquence, la somme de 18 156,63 euros au titre des frais d'expertise.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les conclusions présentées par la société ID Verde, partie perdante à l'instance, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société ID Verde le versement à la commune de Paimboeuf d'une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par le cabinet d'architecture Debard-David-Le Corvec et la société Ciments Calcia sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Id Verde est rejetée.
Article 2 : La société ID Verde versera une somme de 1 500 euros à la commune de Paimboeuf au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le cabinet d'architecture Debard-David-Le Corvec et la société Ciments Calcia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ID Verde, à la commune de Paimboeuf, au cabinet d'architecture Debard-David-Le Corvec et à la société Ciments Calcia.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02964