Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mai 2018, M. A...B..., représenté par Me C...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mars 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 5 et 13 mars 2018 du préfet de la Vendée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'est vu délivrer une information complète au sens des dispositions prévues à l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; l'un des guides ne comporte pas de date ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national et dans le respect des règles de confidentialité ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, notamment au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît, par ricochet, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève ; il s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire italien le 7 juin 2017 ;
- les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il aurait du pouvoir solliciter l'asile au bénéfice de la clause humanitaire, alors que sa demande d'asile n'a pas été instruite par l'Italie et qu'il y fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; la préfecture n'a pas répondu à sa demande à cet égard et a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...B...n'est fondé.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant soudanais né le 22 mai 1997, déclarant être entré irrégulièrement en France le 11 juin 2017, a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 14 septembre suivant. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient déjà été relevées en Italie le 22 mai 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a adressé aux autorités italiennes le 19 septembre 2017 une demande de prise en charge sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté le 21 novembre 2017 de prendre en charge M. A...B.... Par deux arrêtés des 5 et 13 mars 2018, le préfet de la Vendée d'une part, a ordonné sa remise aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile, et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Vendée pour une durée de quarante cinq jours. M. A...B...relève appel du jugement du 16 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. A...B...aux autorités italiennes indique avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait qui le fondent, alors même qu'il ne mentionne pas que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire italien à destination du Soudan. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, selon l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...B...a bénéficié d'un entretien individuel le 14 septembre 2017, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, et a reçu à cette occasion le guide d'accueil du demandeur d'asile, ainsi que les brochures d'information " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne-quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande, " et " Je suis sous procédure Dublin- Qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, rédigées en langue arabe qu'il a déclaré comprendre. La circonstance que l'une de ces brochures ne comporte pas de tampon permettant d'attester de la date à laquelle celle-ci a été remise à l'intéressé ne permet pas, à elle seule, à défaut du moindre élément en ce sens produit par M. A...B..., d'établir que ce dernier n'aurait pas reçu une information complète sur ses droits avant que soit pris l'arrêté contesté. Dès lors, M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 précité.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
6. Il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. A...B...le 14 septembre 2017 qu'il a bénéficié le jour même, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 précité du règlement n°604/2013 qui s'est tenu en langue arabe, avec le concours par téléphone d'un interprète assermenté. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de tenir pour établi que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A...B...et des conséquences de sa réadmission en Italie en tant que ressortissant soudanais au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
9. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. A...B...les rapports d'organisations non gouvernementales et les articles de presse versés au dossier, ne permettent pas d'établir que les autorités italiennes seraient dans l'incapacité structurelle d'examiner sa demande d'asile. En outre M. A...B...fait valoir qu'il encourt un risque de mauvais traitement de la part des autorités de son pays en cas de retour au Soudan eu égard à la situation de la région du Darfour dont il est originaire. Il ressort des pièces du dossier que si les autorités italiennes ont pris une mesure d'éloignement à son encontre, ce dernier ne produit aucune pièce permettant d'établir l'existence d'un risque personnel en cas de retour au Soudan alors que l'intéressé n'est pas tenu de retourner dans la région du Darfour. Dans ces conditions, M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Vendée en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 33 de la convention de Genève ainsi que les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 5 et 13 mars 2018 par lesquels le préfet de la Vendée a décidé la remise de M. A...B...aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence doivent être rejetées, comme doivent l'être par voie de conséquence les conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger- Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
La rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterLe président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
2
N° 18NT02130
1