Procédure devant la cour :
I) Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2018 sous le n° 1804612, M. B... D..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 7 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- l'auteur de l'acte était incompétent ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'administration n'établit pas le caractère frauduleux de la démarche qu'il a entreprise ;
- la circonstance qu'il a été aidé par son frère ne suffit pas à établir une volonté de frauder ;
- ses efforts d'intégration à la société française sont réels et attestés par ses résultats scolaires et les soutiens qui se sont manifestés à son égard ;
- la société qui l'a accueilli en stage s'est déclarée prête à le prendre sous contrat ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- l'auteur de l'acte était incompétent ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour pris à son encontre prive cette décision de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Un mémoire a été produit pour M. B...D... le 7 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
II) Par une requête enregistrée le 30 décembre 2018 sous le n° 1804613, M. C... D..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 7 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention salarié dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- l'auteur de l'acte était incompétent ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il produit des éléments qui attestent de sa bonne intégration à la société française, notamment au travers de son insertion professionnelle ;
- il a fait état d'une promesse d'embauche en CDI à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- le préfet du Calvados a validé son parcours professionnel le 13 mars 2018 en lui écrivant qu'il allait lui délivrer un titre de séjour, sous réserve qu'il obtienne auprès de l'OFII un visa de régularisation ;
- il a fait preuve d'une très forte implication dans l'entreprise où il occupe un emploi et a été d'une aide précieuse lorsque son gérant a été victime d'un grave accident ;
- il ne peut être tenu responsable de ce que son frère cadet l'aurait rejoint en France ;
- il a suivi tous les modules prévus par son contrat d'intégration républicaine ;
- la décision du préfet du 13 mars 2018 constitue un acte créateur de droit à son profit ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- l'auteur de l'acte était incompétent ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour pris à son encontre prive cette décision de base légale.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 février 2019 et le 10 avril 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 13 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...D..., ressortissant albanais, est entré en France selon ses dires le 13 octobre 2014 et a été pris en charge en tant que mineur isolé jusqu'à sa majorité. Il a déposé le 15 septembre 2016 une demande de titre de séjour, à titre principal sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du même code. M. B...D..., son frère cadet, est entré selon ses dires en France le 25 août 2016, alors qu'il était également mineur. Ayant également été pris en charge par les services sociaux d'aide à l'enfance en tant que mineur isolé, il a déposé le 5 juillet 2018 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre principal, et des articles L. 313-15 et L. 313-7 du même code, à titre subsidiaire. Par deux arrêtés en date du 7 août 2018, le préfet du Calvados a refusé de faire droit à ces demandes, en assortissant ses décisions d'une obligation de quitter le territoire français. M. C...D...et M. B...D...relèvent chacun appel des jugements du 30 novembre 2018 par lesquels le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions.
Sur la jonction :
2. Les appels formés par M. C...D...et M. B...D...sont dirigés contre des décisions prises par une même autorité, posent à juger des questions de droit identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une décision unique.
Sur les conclusions en annulation :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...F..., directeur de l'immigration à la préfecture du Calvados, a reçu délégation de signature, par un arrêté du 18 juin 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, à l'effet de signer notamment " tous les arrêtés, décisions, pièces et correspondances en toutes matières ressortissant aux attributions de la direction de l'immigration ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Il ressort de l'arrêté du 18 octobre 2017 portant organigramme des services de la préfecture du Calvados, également publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, que la direction de l'immigration est notamment compétente en matière de droit au séjour et d'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, si les requérants soulèvent à l'encontre des décisions attaquées le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celui-ci est dépourvu de tout élément permettant d'en apprécier le bien fondé et ne peut qu'être écarté par défaut de précision suffisante.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au mois six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter les demandes de titres de séjour dont il était saisi, le préfet du Calvados s'est fondé sur la nature des liens que les intéressés avaient conservés avec leur famille restée dans leur pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport social établi par France Terre d'asile dans le cadre de l'instruction de sa demande de régularisation, que l'entrée en France d'B... D...s'est faite sur le conseil de son frère aînéC..., lequel a également participé à la préparation du voyage de son frère vers Caen. Cette situation particulière, qui n'est pas sérieusement contestée par les intéressés, est de nature à établir que ni C...D...ni B...D...ne peuvent être regardés comme ne disposant plus de liens suffisants avec leur famille demeurée en Albanie. C'est par suite sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Calvados a pu refuser d'admettre les intéressés au séjour.
8. Si M. C...D...fait valoir, en troisième lieu, qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée et que le préfet l'avait informé le 13 mars 2018 qu'il entendait lui accorder un titre de séjour en tant que salarié, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, l'administration pouvant toujours, à supposer même que ce courrier puisse lui-même être regardé comme une décision, en opérer le retrait si les conditions de sa délivrance ne sont plus remplies. Comme précédemment indiqué, la délivrance d'un titre de séjour " salarié " est conditionnée, dans le cadre de l'article L. 313-15 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au respect de conditions particulières, et l'administration pouvait ainsi, dès lors que celles-ci n'étaient pas remplies, se raviser. La circonstance que M. C...D...ait acquitté auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les frais consécutifs à la délivrance d'un visa de régularisation ne lui ouvre aucun droit particulier à la délivrance de ce dernier. S'agissant de la promesse d'un contrat d'apprentissage dont fait état M. B... D..., cette circonstance ne fait pas davantage obstacle à ce que le préfet, compte tenu de la circonstance relevée au point 5 ait pu refuser régulièrement de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15.
9. En dernier lieu, si M. C...D...fait valoir qu'il a suivi les différents modules de son contrat d'intégration républicaine, une telle circonstance, à la supposée établie, n'est pas de nature à lui conférer un quelconque droit à la délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
9. Faute d'établir que les refus de titres de séjour qui leur ont été opposés étaient illégaux, M. C...D...et M. B...D...ne peuvent utilement soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire prises à leur encontre sont dépourvues de base légale.
10. Il ressort de tout ce qui précède que M. C...D...et M. B...D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions en injonction sous astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation des requérants, n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions en injonction sous astreinte déposés par ces derniers ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, verse à M. C...D...et à M. B...D...les sommes que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. C...D... et de M. B...D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à M. B...D..., au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
1