Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mars 2016 et 13 février 2017, M.E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 janvier 2016 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 17 janvier 2013 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est entachée d'erreur manifeste quant à l'appréciation du lien de filiation qui l'unit à son fils, qui est attesté par les actes d'état civil produits et les éléments démontrant qu'il possède l'état de père à son égard ;
- cette décision méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant M.E....
1. Considérant que M.E..., ressortissant ivoirien, relève appel du jugement du 8 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 janvier 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer un visa de long séjour à l'enfant AdamaE..., présenté comme son fils, au titre du regroupement familial ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs le défaut de caractère authentique des actes d'état civil produits ; que pour rejeter le recours de M. E...dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Abidjan du 27 septembre 2012 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à son fils allégué, M. A...E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance tirée de ce que les documents d'état civil présentés à l'appui de la demande de visa ne seraient pas conformes à la loi locale et comporteraient des incohérences leur ôtant tout caractère probant, étant, par ailleurs, souligné qu'il ne serait pas démontré que M. E...contribuerait à l'entretien et l'éducation de l'enfant ou entretiendrait des liens avec lui ;
3. Considérant qu'à l'appui de la demande de visa, a été présenté un acte de naissance de l'enfant Adama établi par la commune de Gagnoa et portant le numéro 2064/14/08/2000, indiquant qu'il a été reconstitué par jugement supplétif du 7 avril 2000 ; que si cet acte comporte deux erreurs matérielles dans la mention de la référence de ce jugement, qui date notamment en réalité du 24 mars 2000, celles-ci sont sans incidence sur la valeur probante de cet acte, dès lors que le jugement supplétif en cause, produit pour la première fois en appel, n'est pas contesté par le ministre de l'intérieur en défense, pas plus que celui du 10 février 2016 venant rectifier les erreurs matérielles contenues dans ce premier jugement ; que si, par ailleurs, l'acte de naissance produit ne comporte pas la signature du déclarant, il ne s'agit pas d'une irrégularité dès lors qu'il ne s'agit pas d'un acte établi sur déclaration à la naissance de l'enfant, mais après les délais légaux dans lesquels cette déclaration était possible, après qu'a été rendu un jugement supplétif d'acte de naissance ; que si la levée d'acte réalisée à la demande des autorités consulaires a révélé que la page correspondante du registre d'état civil de la commune de Gagnoa était vierge, elle comporte toutefois en marge la mention du nom d'AdamaE..., ainsi que celle du jugement supplétif du 24 mars 2000 ; qu'une copie de ce registre effectuée à la demande du requérant, produite pour la première fois en appel et non contestée en défense, révèle que les mentions du jugement supplétif du 24 mars 2000 apparaissent sur la page suivante du registre, qui comporte une copie manuscrite du contenu de ce jugement ; que la mention du jugement rectificatif du 10 février 2016 apparaît également en marge de la copie du registre ; que, dans ces conditions, les actes produits sont de nature à établir le lien de filiation existant entre M. E...et son fils Adama ; que la décision contestée est, par suite, entachée d'erreur d'appréciation ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à M. A...E..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 janvier 2016 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 17 janvier 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à M. A...E..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2017, où siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00831