Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2018 et le 30 juillet 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre le refus de visa opposé à Boderson A...;
2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif ou, à défaut, d'annuler la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer un visa à BodersonA... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité sous quinze jours à compter de la décision juridictionnelle à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a fondé son jugement sur un motif, tiré de ce que Boderson n'entre pas dans le champ de la réunification familiale, qui n'a pas été opposé par la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France , n'a pas été soulevé par l'administration et n'a pas fait l'objet d'une demande de substitution de motifs ; ainsi le tribunal s'est fondé sur un moyen relevé d'office sans en informer les parties et a commis une irrégularité ;
- le tribunal a méconnu les articles L. 752-1 et L. 411-2 à L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère irrégulier de l'acte de naissance de Boderson ;
- il entretient des liens étroits et réguliers avec son fils, dont il finance les études ;
- le long délai entre l'obtention du statut de réfugié et la demande de visa est imputable au défaut d'examen de sa demande par l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté par M. B...A..., réfugié haïtien, contre les refus de visa de long séjour opposés à Boderson et Woodams A...et à MmeD..., au titre de la procédure de réunification familiale. Par un jugement n° 1510491 du 12 janvier 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne Clermicie Antoine et Woodams A...et rejeté le surplus de ses conclusions concernant BodersonA.... M. A...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la réponse à la demande de communication des motifs de la décision implicite de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, que pour refuser les visas de long séjour sollicités par la compagne et les enfants allégués de M.A..., la commission s'est fondée sur le défaut de caractère probant des actes d'état civil produits au vu des incohérences présentées, sur le fait que les visas n'ont pas été sollicités dans des délais raisonnables, ayant été demandés 7 ans après l'autorisation de regroupement familial, et sur le fait que M.A..., en France depuis 10 ans, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de contribution à l'entretien des demandeurs ni de maintien des relations affectives
3. Il ressort des termes même du jugement attaqué que pour écarter le moyen soulevé par le requérant selon lequel le refus de visa attaqué était entaché d'une erreur dans l'appréciation du lien de filiation entre lui et son fils allégué Boderson, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que Boderson A...n'est pas l'enfant de Clermicie Antoine, compagne du requérant, et que, dès lors, Boderson A...n'entre pas dans le champ de la réunification familiale défini par l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, un tel motif, qui ne figurait pas parmi ceux opposés par la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, n'avait fait l'objet en défense d'aucune demande de substitution de motif et n'avait pas été discuté par le requérant. Dans ces conditions, les premiers juges, en procédant d'office à cette substitution de motif, au surplus sans en avertir préalablement les parties, ont entaché leur jugement d'irrégularité.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif, en tant qu'elle concerne BodersonA....
Sur la légalité de la décision contestée de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :
5. Les enfants de réfugié statutaire ont droit lorsqu'ils ont moins de dix-huit ans, sous réserve de motifs d'ordre public et à condition que leur lien de filiation soit établi, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre leur père ou leur mère réfugié en France. Eu égard à l'objet de la procédure permettant leur introduction en France, dite de " regroupement familial de réfugié statutaire ", et en l'absence de toute disposition expresse contraire, l'âge des enfants pouvant bénéficier d'un tel regroupement familial s'apprécie à la date à laquelle cette procédure est engagée. Il leur incombe toutefois de satisfaire aux obligations qui leur sont imposées par l'administration dans le cadre de cette procédure, notamment pour le dépôt des demandes de visa, dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle ces obligations leur sont notifiées.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...A...a obtenu la qualité de réfugié statutaire le 4 avril 2007. Il a adressé, par courrier du 18 juin 2007 auprès du ministre des affaires étrangères une demande de rapprochement familial au bénéfice de sa compagne et des ses trois enfants. Par courrier du 21 juin 2007, le ministère a accusé réception de cette demande. Si à cette date, Boderson A...était âgé de quinze ans, et si la compagne de M. A...a été convoquée au Consulat par lettre du 5 août 2008 pour la constitution des dossiers, ce n'est que le 1er juin 2015 que la demande de visa a été présentée par l'intéressé. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Boderson A...aurait répondu à cette convocation avant sa demande de visa présentée, ainsi qu'il a été dit, le 1er juin 2015. Il s'est ainsi écoulé près de sept années entre la demande de rapprochement familial et la demande de visa formée en juin 2015. Si l'intéressé soutient que le tremblement de terre survenu en 2010 et les catastrophes naturelles ont empêché toutes démarches administratives, il ne fournit aucune précision utile permettant de justifier le long délai qui s'est écoulé entre 2008 et 2015. Dans ces conditions, la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France était fondé à rejeter la demande de visa de l'intéressé au motif qu'elle n'a pas été présentée dans un délai raisonnable. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France concernant BodersonA.... Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 janvier 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur la demande de visa de BodersonA....
Article 2 : La demande présentée par M.A..., en ce qui concerne BodersonA..., et le surplus des conclusions de la requête de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00385