Par une requête, enregistrée le 5 mars 2018, Mme B..., représenté par Me C...A...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la CRRV ainsi que la décision du 9 juillet 2015 du consulat de France à Yaoundé ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer à Mme B...un visa de court séjour d'une durée de 90 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros, à chacune, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision consulaire est entachée d'incompétence ;
- Mme B...disposait de ressources suffisantes pour faire face aux frais liés à son séjour en France, compte tenu de l'achat de 3000 euros de devises et de la prise en charge de son séjour par MmeA..., qui a produit une attestation d'accueil et dispose de revenus suffisants ;
- le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa n'est pas fondé, dès lors que Mme B...a déjà bénéficié d'un visa en 2009 dont elle a respecté les termes, que Mme A...s'est engagée à ce que sa mère retourne au Cameroun, que Mme B...a des attaches personnelles et familiales au Cameroun où vivent ses autres enfants ; en outre elle a obtenu un visa de court séjour le 20 avril 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête, en se référant à son mémoire produit devant le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et Mme A...relèvent appel du jugement du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a rejeté le recours formé contre la décision du 9 juillet 2015 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à MmeB..., un visa de court séjour pour visite familiale, ainsi que de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision des autorités consulaires :
2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ".
3. Le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme B...et de Mme A...dirigées contre la décision consulaire du 9 juillet 2015, au motif que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à celle de l'autorité consulaire. En tout état de cause, les requérantes ne contestent pas en appel cette irrecevabilité. Il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit. Mme B...et Mme A...ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leurs conclusions dirigées contre la décision consulaire du 9 juillet 2015.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
4. Il ressort notamment des écritures du ministre de l'intérieur, que la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour refuser le visa demandé par MmeB..., sur le fait que la demande de celle-ci pouvait présenter un risque de détournement de l'objet du visa demandé.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que MmeB..., âgée de 73 ans lors de sa demande, devait être hébergée, lors de sa venue en France, par sa fille MmeA..., qui occupe un emploi de cadre dans le secteur de l'industrie pharmaceutique, perçoit un salaire net d'environ 2 800 euros par mois, et s'est engagée à prendre en charge les frais de séjour de sa mère. Mme A...a produit une attestation d'accueil où figure le cachet de sa commune de résidence, un acte notarial relatif à l'appartement d'une superficie de 70 m² dont elle est propriétaire, ses derniers bulletins de salaire et un avis d'imposition de l'année 2014, de sorte qu'elle est en mesure d'assumer l'engagement qu'elle a souscrit. Elle s'est également engagée par écrit, à ce que sa mère retourne au Cameroun à l'issue de son séjour. Mme B...a déjà effectué un court séjour en France, en 2009, en respectant la durée de validité de son visa. Elle soutient, sans être contestée sur ce point, qu'à part deux enfants résidant en France, ses autres enfants vivent au Cameroun avec leurs familles respectives. Mme B...a d'ailleurs obtenu un visa de court séjour valable du 5 mai au 15 juin 2017. Par suite, en se fondant sur ce que la demande de visa de Mme B...dissimulait un projet d'installation durable en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de MmeA..., que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. L'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France implique seulement que l'administration statue de nouveau sur la demande de MmeB.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il s'est prononcé sur la décision de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulé ainsi que cette décision.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00996