Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 25 mars 2018 sous le n° 18NT01272, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant sa remise aux autorités allemandes ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivré un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans le même délai assorti de la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- la France est devenue l'Etat responsable de la demande d'asile dès lors que le délai de trois mois prévu à l'article 21 du réglement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 était dépassé à la date à laquelle le préfet a saisi les autorités allemandes ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il s'est estimé lié par les critères de détermination fixés par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 avril 2018.
II. Par une requête, enregistrée le 25 mars 2018 sous le n° 18NT01273, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivré un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- cette décision d'assignation à résidence n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission au Portugal ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen précis de sa situation personnelle de sorte qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n°18NT01272 et n°18NT01273 de M. C...sont relatives à une même situation et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. A... C..., né le 5 juillet 1984, de nationalité kosovare, est entré régulièrement sur le territoire français le 21 novembre 2017 et y a sollicité l'asile, le 22 décembre 2017, auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Visabio a révélé qu'il était titulaire d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes. Par deux arrêtés du 12 mars 2018, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités allemandes, qui avaient accepté expressément sa prise en charge le 4 janvier 2018, et son assignation à résidence. M. C...relève appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :
3. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. La décision prononçant le transfert de M. C...aux autorités allemandes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elle relève en outre le caractère régulier de l'entrée en France de M. C...et son maintien sur le territoire français à l'expiration de la durée de validité de son visa, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celui-ci s'est présenté devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire et précise que la consultation du système Visabio a fait apparaître que l'intéressé était en possession lors de son entrée en France d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes. Cette décision mentionne également que les autorités allemandes ont été saisies en application du §2 de l'article 12 du règlement (UE) 604/2013 d'une demande de prise en charge et qu'elles ont accepté cette prise en charge le 4 janvier 2018. Dans ces conditions, cette décision, qui comporte également des considérations de fait sur la situation personnelle et familiale de M.C..., est suffisamment motivée. Par ailleurs, le préfet, dont la décision révèle qu'il a procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union de décider d'examiner une demande de protection internationale. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant réadmission en Allemagne et du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 que M. C...reprend en appel sans plus de précision doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
6. En troisième lieu, si M. C...fait valoir que le préfet de Maine-et-Loire a saisi tardivement les autorités allemandes d'une demande de prise en charge au regard des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a saisi le jour de l'enregistrement de sa demande d'asile les autorités allemandes en application du §2 de l'article 12 de ce règlement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 doit être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
8. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. C...et des conséquences de sa réadmission en Allemagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. D'autre part, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de Maine-et-Loire se serait estimé lié par les critères de détermination de l'Etat membre responsable du traitement de la demande d'asile du requérant. Enfin, M.C..., dont l'épouse est restée au Kosovo, est entré récemment en France et ne fait état d'aucun élément incompatible avec l'exécution de la mesure d'éloignement. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et de celles de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
9. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté en litige et de l'erreur manifeste d'appréciation, que M. C...reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes.
10. En second lieu, il résulte des points 3 à 8 du présent arrêt que M. C...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités allemandes.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 12 mars 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
M. B... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01272 et 18NT01273