Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 avril 2018, Mme D...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 février 2018 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 9 septembre 2015 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités pour les enfants Johan Shiarri et Jack Antonio AndrianantoandroB..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen des demandes de visa dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 par jour de retard passé ce délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas accueilli le moyen tiré de l'insuffisance de motivation soulevé en première instance ;
- les actes de naissance produits apportaient la preuve du lien de filiation existant entre la requérante et ses enfants ;
- la preuve du lien de filiation est apportée par la possession d'état de mère de la requérante ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante malgache née le 8 août 1980 à Ambalakely (Madagascar), a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 septembre 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé devant elle contre la décision du consul général de France à Tananarive (Madagascar) rejetant les demandes de visas de long séjour présentées pour ses enfants allégués, Johan Shiarri et Jack Antonio. Sa demande d'annulation a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 février 2018, à l'encontre duquel Mme B...fait appel.
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit et en fait de la décision du 9 septembre 2015, que la requérante reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes de filiation produits.
4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact qu'en cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
6. Pour établir l'identité et le lien de filiation de l'enfant Jack Antonio, un acte de naissance n° 113 est produit. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à la page précédente du registre et la suivante, cet acte ne comporte pas de sceau de la mairie. De plus, la naissance a été déclarée au-delà du délai légal prévu par la loi malgache, sans qu'un jugement supplétif ne soit produit ni aucune explication donnée. Les copies produites de 2015 et 2017, outre qu'elles mentionnent des signatures qui n'apparaissent pas sur l'acte original, ne comportent pas entre elles les mêmes mentions, la copie de 2015 indiquant la profession du père, le domicile de ce dernier et l'heure de naissance de l'enfant. En outre, les deux copies comportent une discordance concernant l'heure à laquelle l'acte original a été dressé.
7. Pour établir l'identité et le lien de filiation de l'enfant Johan Shiarri, un acte de naissance n° 245 est produit. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet acte ne comporte ni sceau de la mairie, ni signature. Les copies produites de 2015 et 2017, outre qu'elles mentionnent des signatures qui n'apparaissent pas sur l'acte original, ne comportent pas entre elles les mêmes mentions, la copie de 2015 indiquant le domicile du père. En outre, les deux copies comportent une discordance concernant l'heure à laquelle l'acte original a été dressé.
8. Dès lors, au vu de ces incohérences, les différents actes produits sont dépourvus de toute valeur probante et ne peuvent attester des identités des enfants Jack Antonio et Johan Shiarri et de leur lien de filiation avec MmeB....
9. Mme B...se prévaut ensuite de l'existence d'une possession d'état. Les carnets de vaccination et les certificats de scolarité qu'elle produit et qui sont au demeurant postérieurs à la décision attaquée, ne sont pas de nature à attester l'existence d'une possession d'état. De nombreux documents produits par Mme B...sont postérieurs à la décision attaquée, comme le relevé de conversations Messenger, un billet d'avion faisant état d'un voyage à Madagascar en août 2017 et plusieurs transferts de fonds. Mme B...produit des photos, datées de manière non précise et manuscrite, pour établir qu'elle est allée rendre visite à ses enfants à Madagascar en 2012, 2013 et 2015, sans produire aucun document de voyage. Il ressort d'une attestation, établie en juin 2017, que la grand-tante de MmeB..., MmeE..., s'occupe des enfants de cette-dernière depuis décembre 2009 et qu'elle les confie, lors de ses hospitalisations, à ses propres enfants. Toutefois, les transferts d'argent établis au profit de Mme E...ou de ses deux enfants ont débuté en octobre 2014, soit moins d'un mois avant le dépôt des demandes de visas litigieuses. Si la requérante produit également des transferts d'argent plus anciens, émanant de M.A..., son compagnon, au profit de MmeE..., Mme B...a indiqué en 1ère instance, sans revenir sur ce point en appel, que ces transferts étaient à l'attention non pas des enfants Jack Antonio et Johan Shiarri mais de leur enfant Joary Avisoa. Ainsi, la possession d'état n'est pas établie.
10. Par conséquent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission ait commis une erreur de fait ou d'appréciation en estimant que le lien de filiation allégué entre les demandeurs de visas et la requérante n'était pas établi.
11. En troisième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée du 9 septembre 2015 contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de ce qui précède qu'à défaut de pouvoir établir le lien de filiation entre les demandeurs de visas et la requérante, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande s'agissant du refus de visa de long séjour opposé aux enfants Jack Antonio et Johan Shiarri. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°18NT01533