Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 avril 2018 et le 13 décembre 2018 sous le n°18NT01712, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant sa remise aux autorités portugaises ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai assorti de la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de réadmission au Portugal est insuffisamment motivée ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- en cas de renvoi au Portugal il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 de l'arrêté portant renouvellement de son assignation à résidence rend caduque la déclaration de fuite, de sorte que l'arrêté portant remise aux autorités portugaises est insusceptible d'être exécuté.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2018 et le 12 décembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme D...a été considérée comme étant en fuite de sorte que le délai de remise a été prolongé jusqu'au 6 septembre 2019 ;
- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 24 mai 2018.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 avril 2018 et le 13 décembre 2018 sous le n 18NT01713, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai assorti de la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- cette décision d'assignation à résidence n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission au Portugal ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen précis de sa situation personnelle de sorte qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 portant renouvellement de son assignation à résidence rend caduque la déclaration de fuite, de sorte que l'arrêté portant remise aux autorités portugaises est insusceptible d'être exécuté.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2018 et le 12 décembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme D...a été considérée comme étant en fuite de sorte que le délai de remise a été prolongé jusqu'au 6 septembre 2019 ;
- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les conclusions de M. Bréchot.
Considérant ce qui suit :
1. . Les requêtes n°18NT01712 et n°18NT01713 de Mme D...sont relatives à une même situation et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Mme B...D..., née le 28 mai 1989 en Angola, a déclarée être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 18 décembre 2017 et y a sollicité l'asile, le 10 janvier 2018, auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Visabio a révélé que Mme D...s'était vu délivrer un visa de type C Schengen le 18 août 2017 par les autorités portugaises et périmé depuis moins de six mois. Par deux arrêtés du 20 mars 2018, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités portugaises, qui l'ont acceptée le 6 mars 2018, et son assignation à résidence. Mme D...relève appel du jugement du 23 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités portugaises :
3. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. La décision prononçant le transfert de Mme D...aux autorités portugaises vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de MmeD..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celle-ci s'est présentée devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire et précise que la consultation du système Visabio a fait apparaître que l'intéressée était en possession d'un visa de court séjour périmé depuis moins de 6 mois délivré par les autorités portugaises le 18 août 2017. Cette décision mentionne également que les autorités portugaises ont été saisies en application du §4 de l'article 12 du règlement (UE) 604/2013 d'une demande de prise en charge et qu'elles ont explicitement accepté cette prise en charge, ainsi que celle de l'enfant mineur de Mme D...né le 16 avril 2016. Dans ces conditions, cette décision, qui comporte également des considérations de fait sur la situation personnelle et familiale de MmeD..., est suffisamment motivée. Par ailleurs, le préfet, dont la décision révèle qu'il a procédé à un examen complet de la situation personnelle de la requérante, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union de décider d'examiner une demande de protection internationale. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant réadmission au Portugal et du défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 que Mme D...reprend en appel sans plus de précision doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
7. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de Mme D...et des conséquences de sa réadmission au Portugal au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de ce qu'elle est accompagnée de son jeune enfant. D'autre part, si l'intéressée fait état de l'existence de défaillances systémiques au Portugal dans le traitement des demandes d'asile, il n'est pas établi par les pièces produites que sa réadmission au Portugal exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités de ce pays dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'est pas davantage établi qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants au Portugal, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, Mme D...se prévaut en appel de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement du 9 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du préfet de Maine-et-Loire prolongeant son assignation à résidence, en estimant que l'intéressée ne pouvait être regardée comme étant en fuite au sens de l'article 29 du règlement (UE) 604/2013. Toutefois si l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à ce jugement et au motif qui en constitue le soutien nécessaire fait obstacle à ce que puisse être jugée légale toute nouvelle décision qui assignerait Mme D...à résidence en se fondant sur le fait qu'elle est en fuite, elle n'impose pas, par elle-même, que le juge, saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de réadmission, y fasse droit en accueillant un moyen tiré de l'illégalité de la décision prolongeant le délai d'assignation à résidence.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
9. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté en litige et de l'erreur manifeste d'appréciation, que Mme D...reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif.
10. En deuxième lieu, il résulte des points 3 à 8 du présent arrêt que Mme D...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités portugaises.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 23 mars 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n°18NT01712 et 18NT01713 de Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
M. A... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01712 et 18NT01713