Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 mars 2018, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 2 février 2018 du préfet de la Mayenne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant de la décision de remise aux autorités norvégiennes :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet s'est estimé lié par les critères de détermination de l'État membre responsable de la demande d'asile tels que définis par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, le préfet n'ayant pas procédé à un examen de sa situation personnelle au regard notamment du risque de son renvoi en Somalie ;
s'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision de remise aux autorités norvégiennes prive de base légale la décision d'assignation à résidence ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse ;
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant somalien né le 2 février 1987 déclarant être entré irrégulièrement en France le 20 octobre 2017, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 6 décembre 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Norvège le 1er décembre 2015. Saisies le 7 décembre 2017, les autorités norvégiennes ont accepté le 8 décembre 2017 de reprendre en charge M. A...sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par des arrêtés du 2 février 2018, le préfet de la Mayenne a décidé de remettre M. A...aux autorités norvégiennes et l'a assigné à résidence. M. A...relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités norvégiennes :
2. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
3. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. La décision prononçant le transfert de M. A...aux autorités norvégiennes vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont son article L. 742-3. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée et de la présence en France du requérant et rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celui-ci s'est présenté à la préfecture de la Loire-Atlantique pour y déposer une demande d'asile. La décision mentionne également que la consultation du système Eurodac a fait apparaître que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été précédemment relevées en Norvège le 1er décembre 2015 et que les autorités norvégiennes, saisies le 7 décembre 2017, ont accepté le 8 décembre 2017 de reprendre en charge M. A...sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il en résulte que cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et fait apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé au d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement précité du 26 juin. Par ailleurs, le préfet, dont la décision révèle qu'il a procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union de décider d'examiner une demande de protection internationale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. A...ne peut utilement soutenir que la décision aurait été prise en méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dont le préfet de la Mayenne n'a pas fait application pour décider de son transfert vers la Norvège, pays responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu des dispositions de l'article 18 du même règlement.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne n'aurait pas procédé, pour prendre la décision litigieuse, à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A...et des conséquences de son transfert en Norvège au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile et du risque de son renvoi en Somalie par les autorités norvégiennes. Par ailleurs, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. A...vers la Somalie mais seulement de prononcer son transfert en Norvège, et l'intéressé ne justifie pas avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire norvégien ayant acquis un caractère définitif. Enfin, le requérant n'établit pas qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités norvégiennes tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Somalie. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant sa remise aux autorités norvégiennes, le préfet, dont il n'est pas démontré qu'il se serait cru en situation de compétence liée par ces critères fixés par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
8. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
9. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de M. A...vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 561-2 et R. 561-2, ainsi que l'arrêté du même jour décidant la remise de l'intéressé aux autorités norvégiennes. Par ailleurs, il indique que M.A..., qui justifie d'une domiciliation à Laval, présente des garanties suffisantes propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure de transfert dans l'attente de son exécution qui demeure une perspective raisonnable. Cet arrêté comporte ainsi un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Mayenne pour décider d'assigner M. A... à résidence. Il est ainsi suffisamment motivé.
10. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités norvégiennes.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 2 février 2018. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...E...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
Le rapporteur,
P. BesseLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT01026