Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2017 et le 29 octobre 2018, M.A..., représenté par la Selarl Le Roy- Gourvennec- Prieur, demande à la cour d'annuler ce jugement du 6 octobre 2017.
M.A... soutient que :
- la contravention de grande voirie qui lui a été infligée s'agissant de la cale est prescrite, l'occupation litigieuse du domaine public remontant aux années 1970 ;
- l'action publique relative aux remblais est elle-même prescrite, suite à la mise en demeure qui lui a été adressée en 2008 ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur ce point ;
- les ouvrages litigieux ne se situent pas sur le domaine public maritime ;
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit en considérant que le procès-verbal d'infraction dressé à l'encontre de M.A... ne permettait pas de constituer valablement cette infraction en raison de ses insuffisances ;
- un procès-verbal d'infraction n'a pas à être accompagné de documents annexes ;
- les premiers juges ont méconnu leur office en s'abstenant de qualifier les faits incriminés et de délimiter le domaine public maritime ;
- il appartient au juge de qualifier des faits d'occupation irrégulière lorsque ceux-ci lui sont soumis, indépendamment de la qualification opérée par le procès-verbal ;
- le caractère succinct du procès-verbal ne fait pas obstacle à la constatation de l'emprise irrégulière ;
- les pièces produites à l'occasion du débat contentieux permettaient de procéder à la délimitation du domaine public maritime.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par M. A...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant M.A.compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés
Considérant ce qui suit :
1. Un procès-verbal de grande voirie a été dressé le 23 septembre 2016 à l'encontre de M. A...pour l'occupation sans autorisation, sous la forme d'un remblai et d'un ouvrage en béton, du domaine public maritime, au droit de la parcelle YA n° 10 dont il est propriétaire au lieu-dit Dreven sur le territoire de la commune de Baden. Le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande du préfet du Morbihan et a d'une part condamné M. A...au paiement d'une amende de 800 euros au titre de cette infraction. D'autre part, il lui a enjoint de procéder sous trois mois à l'enlèvement des éléments constitutifs de l'emprise irrégulière. M. A...relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'action publique
2. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...). Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent.compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative ". Aux termes de l'article L. 2132-3 de ce code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : " En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 ". Les dispositions dudit article 7 prévoient que le délai de prescription a pour point de départ le dernier acte d'instruction ou de poursuite. Il résulte de ces dispositions que seuls peuvent être regardés comme actes d'instruction ou de poursuite, en matière de contravention de grande voirie, outre les jugements rendus par les juridictions et les mesures d'instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l'infraction, d'en connaître ou d'en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l'exercice par le ministre de sa faculté de faire appel ou de se pourvoir en cassation.
4. Il résulte de l'instruction que, comme déjà indiqué, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de M. A...le 23 septembre 2016, après que le délai d'un mois mentionné dans la mise en demeure du 25 mai 2016 de procéder au retrait du remblai et de l'ouvrage en béton situé sur le domaine public maritime situé au droit de sa propriété a expiré. Le préfet du Morbihan a saisi le tribunal administratif de Rennes le 2 décembre 2016. Les précédents empiètements sur le domaine public maritime reprochés à M. A...par le passé, faute d'avoir donné lieu à des poursuites, comme en l'espèce, et faute pour ceux-ci d'avoir eu la même consistance, ne peuvent être regardés comme étant à l'origine de la présente contravention de voirie. Le dernier acte de poursuite datant de moins d'un an, le moyen tiré de la prescription de l'action publique, qui n'avait pas à être soulevé d'office par les premiers juges ne peut, par suite, qu'être écarté.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier des photographies, figurant au dossier, prises de la ria d'Auray face à la propriété de M. A...que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'empiètement reproché sur le domaine public maritime ne se situe pas en deçà du muret qui borde, pour partie seulement, au nord, la parcelle de l'intéressé côté rivage, mais au pied du mur de soutènement de la partie haute de la parcelle, qui se présente étagée, situé à environ 2,50 mètres du rivage. Si ce muret apparaît atteint à mi-hauteur par les plus hautes eaux lors de conditions de pleine mer, il ne constitue pas lui-même une protection contre l'action des plus hautes eaux pour la partie de terrain au droit de laquelle il n'est pas situé, où se situent les restes de la cale en béton et les remblais dont il a été demandé à M. A... de procéder à l'enlèvement, situés au pied du mur de soutènement. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que cette bande de terrain située entre l'extrémité nord du terrain de M. A...et son extrémité sud, soit une partie qui n'est pas bordée par le muret précité, serait elle-même recouverte lors des plus hautes eaux. A supposer que cette partie du rivage, dont les photographies produites montrent qu'elle se compose en partie d'un remblai, trouverait son origine dans une action de l'homme visant à en soustraire artificiellement le sommet à l'action des flots, il ne résulte pas non plus de l'instruction que cette partie du terrain était elle-même, avant que n'intervienne ce remblai, lequel ne se limite pas aux débris provenant de l'écroulement du mur de M.A..., recouverte par le flot lors plus hautes eaux. Il n'est par suite pas établi que les restes de la cale en béton et le remblai présents sur la parcelle YA 10 se situent sur le domaine public maritime. Leur présence ne peut, dès lors, pas être constitutive d'une contravention de grande voirie.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, d'une part a admis l'existence d'une emprise irrégulière sur le domaine public maritime et, d'autre part, l'a condamné à payer à l'Etat une amende de 800 euros.
En ce qui concerne l'action domaniale
7. En l'absence d'empiètement sur le domaine public maritime de l'Etat, ainsi qu'indiqué aux points précédents, M. A...n'avait pas à procéder à l'enlèvement des ouvrages mentionnés dans le procès-verbal de contravention de grande voirie établi à son encontre.
8. M.A..., est, par suite, également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes lui a enjoint de procéder à l'enlèvement demandé dans un délai de trois mois.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Rennes du 6 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : La requête du préfet du Morbihan est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au préfet du Morbihan et au directeur régional des finances publiques d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et au ministre de l'intérieur en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03666