Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017, M. et Mme A..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1502362 du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France portant rejet du recours de M.A... ;
3°) d'enjoindre le ministre de l'intérieur de délivrer à M. A...un visa de long séjour dans l'espace Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- la décision consulaire n'est pas motivée ;
- la décision consulaire est intervenue sans avoir fait l'objet, au préalable, d'un examen sérieux de sa situation personnelle ; la décision est intervenue dès le lendemain de la présentation de sa demande ;
- le refus de visa qui lui est opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale en violation avec l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de la convention de New York sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; son épouse et ses quatre enfants vivent en France où se situe le centre de leurs intérêts privés et familiaux et où ils sont soignés ;
-il serait illogique et dispendieux d'obliger son épouse et leurs quatre enfants à se déplacer au Maroc à un coût prohibitif pendant les vacances scolaires alors qu'il peut venir en France à moindre coût hors des périodes scolaires ;
- il y a lieu d'enjoindre au ministre de lui délivrer le visa sollicité ; il a vécu en France depuis plus de vingt ans ; son épouse et leurs quatre enfants y résident.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n° 17NT01319 est irrecevable ;
- les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.
Des pièces complémentaires, présentés pour les épouxA..., ont été enregistrés le 27 mars 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990
- le code civil ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sacher a été entendu au cours de l'audience publique.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né en 1964, est entré régulièrement en France en 1989 ; que sa carte de résident est arrivée à expiration le
14 juillet 2012, alors que l'intéressé était incarcéré au Maroc ; que, le 16 décembre 2014, il indique avoir sollicité la délivrance d'un visa de long séjour ; que, par une décision du 17 décembre suivant, l'autorité consulaire française a refusé de faire droit à sa demande ; que, le 26 janvier 2015 le requérant a formé un recours administratif contre cette décision auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que, par une décision du 27 janvier 2015 le président de la commission a rejeté le recours de M.A..., sur le fondement du second alinéa de l'article D. 211-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'était pas accompagné d'éléments et de justificatifs permettant d'en apprécier le bien-fondé et qu'il était dès lors manifestement mal-fondé ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de l'autorité consulaire française du 17 décembre 2014 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ; qu'aux termes de l'article D. 211-9 de ce code : " (...) Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions par lesquelles le président rejette, sans réunir la commission, les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont
déférées ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) du 17 décembre 2014 sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 janvier 2015 :
3. Considérant en premier lieu, que compte tenu de ce qui a été énoncé au point précédent le moyen tiré de ce que la décision du 17 décembre 2014 n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation et celui tiré de ce qu'elle est entachée d'un défaut de motivation sont sans incidence sur la légalité de la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui s'y est substituée ;
4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a résidé régulièrement sur le territoire national de 1989 à 2012 et que son épouse et leurs quatre enfants respectivement nés en 2000, 2003, 2006 et 2010 vivent sur le territoire national ; que toutefois, M. A...n'apporte aucun élément de nature à attester du maintien de liens avec son épouse et leurs enfants depuis son incarcération au Maroc au mois de mai 2012, pour des faits de trafic de stupéfiants ; que si les requérants se prévalent de leurs nombreuses conversations téléphoniques, il ne les établissent par aucun document ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui au demeurant se déclare sans profession et n'établit pas non plus être resté en contact avec ses enfants, serait à même d'apporter à sa famille le soutien nécessaire dont les époux se prévalent en fournissant des certificats médicaux faisant état des de la santé fragile de la mère et de ses enfants ; que dans ces circonstances, alors même que les requérants relèvent le coût élevé d'une visite de la famille à M. A...au Maroc, la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant que la décision de refus de visa n'entraîne par elle-même aucun risque de séparation entre un enfant et l'un de ses deux parents, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 doit être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ; que leurs conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à Mme C...E...épouse A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 avril 2018 .
Le rapporteur,
E. SACHERLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C.GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01319