1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen des demandes de visa dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me C...de se désister du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elles soutiennent que :
- les actes produits apportaient la preuve du lien de filiation existant entre la requérante et ses enfants ;
- la preuve du lien de filiation est apportée par la possession d'état de mère de la requérante.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'en l'absence d'élément nouveau probant, il entend se référer à l'ensemble de ses écritures en défense ainsi qu'aux pièces jointes fournies lors de la première instance.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet ;
- et les observations de MeC..., représentant les requérantes.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 27 avril 1988, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours enregistré le 28 juillet 2015 dirigé contre la décision de refus de visas d'entrée et de long séjour en France sollicités pour les enfants Saliou DianA..., née le 30 décembre 1999, Alpha OusmaneA..., né le 30 décembre 2005, et Adama SiraA..., né le 26 janvier 2007. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B...A...et Mme D...A...font appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes de filiation produits.
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact qu'en cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. D'une part, aux termes de l'article 182 du code civil guinéen : " (...) Les copies délivrées conformes aux registres portant en toutes lettres la date de délivrance, et revêtues de la signature et du sceau de l'autorité qui les aura délivrées, feront foi jusqu'à inscription de faux. Elles devront être, en outre, légalisées, sauf conventions internationales contraires, lorsqu'il y aura lieu de les produire devant les Autorités étrangères. (...) ".
6. Pour établir l'identité et le lien de filiation des enfants Saliou DianA..., Alpha Ousmane A...et Adama SiraA..., ont été produits, pour chacun d'entre eux, des copies intégrales d'acte de naissance portant le cachet du ministère des affaires étrangères et des guinéens de l'étranger, un tampon attestant de la légalisation de la signature et la signature d'un juriste. La seule circonstance que leurs dates de délivrance ne sont pas mentionnées en toutes lettres ne saurait suffire à ôter leur valeur probante. Il en est de même des circonstances que les passeports produits pour les enfants ne comportent pas des numéros identiques aux actes de naissance et que Mme B...A...a effectué des déclarations contradictoires sur sa composition familiale auprès des services préfectoraux.
7. D'autre part, aux termes de l'article 382 du code civil guinéen, l'adoption parfaite " ne peut résulter que d'un jugement rendu sur requête en audience publique après enquête et débats en chambre du conseil, le Ministère public entendu ".
8. S'agissant de Mme D...A..., ont été produit deux copies de jugement d'adoption plénière du 24 août 2011, au profit de Mme B...A.... La 2nde copie ne comportait plus l'erreur matérielle entachant la première copie et concernant une date d'audience au 30 décembre 2013 au lieu du 24 août 2011. Toutefois, si le code civil guinéen n'exigeait pas le consentement du père de l'enfant, la dernière copie produite indique que la requête introductive d'instance a été déposée le même jour que le jugement, ce qui n'est pas de nature à permettre une enquête, contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées. En outre, le délai d'appel n'a pas été respecté, le jugement ayant été retranscrit dès le 1er septembre 2011.
9. Dès lors, si les actes produits attestent des identités des enfants Alpha Ousmane A...et Adama Sira A...et de leur lien de filiation avec Mme B...A..., au vu des incohérences figurant sur les deux jugements d'adoption produits, le lien de filiation entre Mme D...A...et Mme B...A...n'est pas établi.
10. En second lieu, Mme A...se prévaut de l'existence d'une possession d'état. Toutefois, de nombreux éléments produits mentionnent " les enfants ", sans préciser s'il s'agit de Saliou Dian. En outre, si la requérante a produit une lettre de cette dernière adressée à sa mère, il n'est pas établi qu'elle aurait été envoyée à Mme B...A..., en l'absence de cachet postal et de mention de l'adresse du destinataire. Les éléments produits ne suffisent pas à établir l'existence d'une possession d'état de mère de Mme B...A...à l'égard de Mme D...A....
11. Par conséquent, il ressort des pièces du dossier que la commission a commis une erreur d'appréciation uniquement en estimant que le lien de filiation allégué entre Alpha Ousmane A...et Adama Sira A...et B...A...n'était pas établi.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B...A...et Mme D...A...sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande s'agissant du refus de visa de long séjour opposé aux enfants Alpha Ousmane A...et Adama SiraA....
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
13. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, implique la délivrance aux enfants Alpha Ousmane A...et Adama SiraA..., des visas de long séjour sollicités. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de délivrer aux intéressés les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
14. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat, MeC..., peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à MeC..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2017 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés en tant qu'ils concernent la demande de visa d'Alpha Ousmane A...et d'Adama SiraA....
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Alpha Ousmane A...et Adama SiraA..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me C...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 juin 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT03193