Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à titre infiniment subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B...soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les médicaments qui constituent son traitement en France ne sont pas disponibles en Sierra-Léone ;
- le coût des médicaments est très élevé en Sierra Léone et il ne pourrait pas y accéder ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il vit en concubinage de façon stable depuis plusieurs années et est père d'un enfant né le 27 juillet 2017 ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne comporte pas de motivation spécifique de cette mesure d'éloignement ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi
- la décision attaquée manque de base légale dès lors que l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre est elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant de Sierra Leone, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 30 mars 2011 afin d'y demander l'asile. Sa demande en ce sens a finalement été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 avril 2014. M. B...a ensuite sollicité et obtenu la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, titre renouvelé jusqu'en juillet 2017. Le 14 mai 2018, le préfet du Calvados a toutefois refusé de faire droit à la demande de renouvellement de ce titre, en assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. M. B...relève appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
3. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B...conteste l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel il existe au Sierra Leone des traitements appropriés à la pathologie dont il souffre, l'administration a également produit une fiche MedCOI de 2017 indiquant que la Metformine et le Gliclazide, molécules qui sont à la base du traitement que suit en France M.B..., sont disponibles au Sierra-Leone. Si M. B...produit un document faisant apparaître que les molécules permettant un traitement approprié de sa maladie ne sont accessibles dans son pays qu'à un coût les rendant inaccessibles, il ne démontre pas, à supposer même que ce document soit authentique, qu'il ne pourrait effectivement pas en bénéficier en sa qualité de bénéficiaire du système de protection sociale de son pays, ni même que le revenu qu'il tirait de son activité salariée faisait effectivement obstacle à ce qu'il puise se procurer le traitement nécessaire à son état. Les documents produits par M. B...relatifs au traitement de la crise sanitaire due au virus Ebola ne permettent pas davantage de remettre en cause l'existence d'un traitement approprié du diabète de type II en Sierra Leone. Le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut ainsi qu'être écarté.
4. Si M. B...fait également valoir, en deuxième lieu, que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen doit être écarté comme inopérant dès lors que M. B... n'a pas sollicité son admission au séjour sur ce fondement et qu'il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet aurait lui-même examiné d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement particulier.
5. M.B..., en troisième lieu, soutient que le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le tribunal administratif a écarté ces moyens.
7. M.B..., par suite, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour pris à son encontre.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, comme l'a également jugé à juste titre le tribunal administratif, la décision portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M.B..., qui procède de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée en fait et en droit, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. B...se prévaut de ce qu'il vit en concubinage stable avec une ressortissante nigériane avec laquelle il a eu une fille, il ressort des pièces du dossier que cette relation est récente, remontant à avril 2016, et que d'ailleurs M. B...s'est abstenu d'en informer l'administration à l'occasion de l'instruction de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Si M. B...produit plusieurs attestations de proches, celles-ci insistent surtout sur son sérieux dans son travail et sa volonté de s'insérer professionnellement, peu d'éléments circonstanciés étant fournis sur l'intensité et la stabilité de cette relation. De même, M. B...ne fournit aucun élément démontrant qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de son enfant née le 27 juillet 2017. Dans de telles conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vertu desquels elle a été prise, ni que cette décision est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. En troisième lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Comme l'a également jugé à juste titre le tribunal, M. B...ne peut pas davantage se prévaloir utilement des stipulations de l'article 9 de cette convention, lesquelles ne font que créer des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux particuliers.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a refusé d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi
13. Faute d'établir l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre, M. B...ne peut utilement soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale. L'intéressé, par suite, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur les conclusions en injonction sous astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions en injonction avec astreinte de M. B...ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente audience, verse à M. B... la somme que celui-ci réclame au tire des frais exposés par lui non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 juin 2019.
Le rapporteur,
M. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT03766 2