Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2015, Mme A...C...B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait, elle dispose d'un contrat à durée déterminée depuis le mois d'avril 2013 et elle est hébergée gratuitement par ses parents ;
- le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte le fait qu'elle soit hébergée par ses parents et les ressources de son père qui lui permettent de bénéficier des ressources nécessaires et d'une autonomie matérielle suffisante ;
- la décision du ministre porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le ministre ne peut exiger un niveau de revenus correspondant au SMIC, incompatible avec la poursuite de ses études.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision du 29 janvier 2013 doit être regardée comme ayant nécessairement procédé au retrait de sa décision implicite, rendant sans objet les conclusions dirigées contre cette décision et les moyens invoqués à son encontre inopérants ;
- les moyens tirés, d'une part, de ce que la requérante occupe un emploi postérieurement à la décision contestée et, d'autre part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont inopérants ;
- les autres moyens soulevés par Mme C...B...ne sont pas fondés.
Mme C... B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 4 juin 2012, le préfet de la Haute-Garonne a ajourné à deux ans la demande de naturalisation présentée par Mme C... B..., réfugiée de nationalité soudanaise ; que, par lettre du 31 juillet 2012, reçue le 2 août 2012, la requérante a saisi le ministre chargé des naturalisations du recours hiérarchique prévu à l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 ; que ce recours a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que, le 9 janvier 2013, Mme C... B...a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet ; qu'en cours d'instance et par une décision explicite du 29 janvier 2013, le ministre de l'intérieur a, une nouvelle fois, rejeté le recours hiérarchique présenté par Mme C... B... ; que Mme C... B...relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur du 29 janvier 2013 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant, en premier lieu que la décision du 29 janvier 2013 s'est nécessairement substituée à la décision implicite de rejet initialement contestée par Mme C... B... ; qu'il en résulte qu'est inopérant le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision implicite ;
3. Considérant, en second lieu, que la décision du 29 janvier 2013 énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose ; que, par suite, à supposer que l'intéressée entende en contester la motivation, ce moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ;
5. Considérant que, par la décision du 29 janvier 2013, le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans la demande de naturalisation de Mme C... B...au motif que l'intéressée poursuivait ses études et n'avait pas encore acquis son autonomie matérielle par l'exercice d'une activité professionnelle ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, qui est celle à laquelle s'apprécie sa légalité, Mme C... B...était inscrite à l'université de Toulouse II - Le Mirail et que, hébergée et prise en charge financièrement par ses parents, elle ne disposait pas de revenus personnels ; que la circonstance qu'elle ait été embauchée pour effectuer des remplacements en qualité d'agent de service par des contrats à durée déterminée à temps partiel à compter du 8 avril 2013 est en tout état de cause postérieure à la décision contestée et sans influence sur sa légalité ; qu'en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de l'intéressée pour le motif tiré du défaut d'autonomie matérielle et d'insertion professionnelle, le ministre, qui a fait usage de son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la naturalisation demandée, n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste ;
7. Considérant que, par ailleurs, la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; que, dès lors, Mme C... B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme C... B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 février 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01875