2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande, commettant plusieurs erreurs ;
- son fils Wisdom a été reconnu par Monsieur B...C..., de nationalité française, qui a toujours pris soin de l'enfant, participé à son entretien et à son éducation et n'a jamais entendu contester sa paternité ; le préfet n'apporte pas la preuve que cette reconnaissance de paternité serait entachée de fraude ; elle peut donc prétendre à un titre de séjour en tant de parent d'enfant de nationalité française ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est mère d'un enfant français ;
- cette obligation de quitter le territoire est contraire à l'intérêt de l'enfant ; elle réside en France depuis 8 ans, elle a un enfant au Nigéria avec lequel elle n'a plus de contact, elle a deux enfants vivant en France, dont un de nationalité française, et l'autre est scolarisé ; la mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée, compte tenu d'une motivation stéréotypée ; cette mesure, d'une durée de deux ans, est disproportionnée alors qu'elle est la mère d'un enfant français ; cet enfant sera privé pendant deux ans de la présence de son père ; cette mesure porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de l'enfant en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; la durée de deux ans est excessive ; la mesure méconnaît l'article 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à son mémoire en défense produit en première instance et soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 7 décembre 2017, le préfet du Calvados a refusé de délivrer à Mme D...A..., ressortissante nigériane née le 14 février 1990, le titre de séjour qu'elle sollicitait en qualité de parente d'enfant de nationalité française, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour de deux ans sur le territoire français. Mme A... relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le défaut d'examen particulier :
2. Si l'arrêté contesté est intitulé par erreur " obligation de quitter le territoire français au titre de l'asile " et comporte des erreurs quant au prénom de l'enfant, ces erreurs purement matérielles ne révèlent pas un défaut d'examen particulier de la demande de Mme A...et n'affectent donc pas la légalité de l'arrêté contesté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; ".
4. Pour refuser de délivrer à Mme A...le titre de séjour qu'elle sollicitait en tant que parente d'enfant français, le préfet du Calvados a considéré que la reconnaissance par M. B...C..., de nationalité française, de l'enfant Wisdom, né le 26 décembre 2016, avait pour seul but de permettre à Mme A...d'obtenir un titre de séjour et s'établir sur le territoire français et revêtait donc un caractère frauduleux.
5. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
6. Il n'est pas contesté qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, MmeA..., a produit l'acte de naissance de son fils Wisdom C...sur lequel figure sa filiation avec M.C..., ressortissant français, ainsi qu'un certificat de nationalité française. Mme A...avait auparavant, le 12 novembre 2014, donné naissance à un précédent enfant, Miracle, ayant pour père M. G...F..., compagnon de MmeA.... Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à l'occasion du recours de M. F...contre l'arrêté préfectoral du 12 avril 2016 lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire, celui-ci avait alors fait valoir que sa compagne, MmeA..., attendait un nouvel enfant, à naître en octobre 2017 et qu'il devait être présent pour Miracle et l'enfant à naître. M.F..., qui produisait à l'appui de son recours des échographies et différents documents médicaux, faisait ainsi valoir qu'il était " un père très attentionné et présent " et qu'il " est primordial pour l'enfant Miracle, et pour l'enfant à naître que ce lien paternel fort soit protégé et la cellule familiale préservée ". En outre, Mme A...a confirmé par une attestation du 19 mai 2016 que M. F...était le père du futur enfant. Il est également constant que Mme A...et M. F...entretenaient une relation sentimentale pendant la conception de Wisdom et que M. C...a reconnu l'enfant porté par Mme A...le 23 juillet 2016, soit quatre jours seulement après la notification du jugement rejetant la requête de M.F.... Pour sa part, M. C...a attesté, le 10 janvier 2017, ne pas vivre avec Mme A...et son fils. Tous ces éléments ont été portés à la connaissance du procureur de la République par le préfet du Calvados, le 18 juillet 2017. Alors même que M. C... verse une pension alimentaire de cent euros depuis mars 2017 et que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Caen a constaté l'exercice en commun, par Mme A... et M.C..., de l'autorité parentale, l'ensemble des éléments précités forment un faisceau d'indices concordants, de nature à établir que la reconnaissance de paternité faite par M. C... a eu pour seul but de permettre à Mme A...d'obtenir un titre de séjour et de s'établir sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, au motif du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité dont elle s'est prévalue.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté, compte tenu des motifs développés au point 6 du présent arrêt.
8. En deuxième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 10 juillet 2010. La consultation du fichier Visabio a révélé que l'intéressée avait sollicité auprès des autorités françaises à Lagos un visa C court séjour sous l'identité de " Bolatito Adetutu " et que ce visa lui avait été délivré le 24 juin 2010 valable du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010. Par arrêté du 24 janvier 2012, le préfet du Calvados lui a refusé le séjour au titre de l'asile et l'a obligée à quitter le territoire français ; par jugement du 25 mai 2012, le tribunal administratif a rejeté la demande de Mme A...dirigée contre cet arrêté. Le 5 février 2013, Mme A...a été arrêtée pour des faits de racolage et fait l'objet, le lendemain, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai et d'un placement en rétention ; le tribunal administratif de Rouen, par jugement du 11 février 2013, a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêté du 12 avril 2016, le préfet du Calvados a rejeté la nouvelle demande de titre de séjour présentée par Mme A...et l'a obligée à quitter le territoire. Mme A...s'est maintenue sur le territoire français en dépit de ces mesures d'éloignement successives. Si elle invoque la présence de ses deux enfants en France, ainsi que sa relation maritale avec M. F...et ses liens avec M.C..., M. F...a lui-même fait l'objet d'une mesure d'éloignement, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son premier enfant et où elle peut reconstruire une vie familiale avec ses deux autres enfants. Dans ces conditions, et compte tenu des conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet du Calvados n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise.
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées.(...)".
11. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
12. En premier lieu, si Mme A...soutient que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée, compte tenu d'une motivation stéréotypée, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 14 du jugement.
13. En deuxième lieu, pour prononcer l'interdiction de retour de Mme A...pour une durée de deux ans, le préfet a considéré que l'intéressée n'a pas respecté les arrêtés du préfet du Calvados du 24 janvier 2012, 6 février 2013 et 12 avril 2016 portant obligation de quitter le territoire, s'est maintenue sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire et que si elle justifie de liens sur le territoire où elle réside depuis le 10 juillet 2010, ces éléments, de par leur nature et leur ancienneté, permettent de considérer comme justifiée une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Compte tenu de ce qui a été indiqué aux points 6 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en interdisant à Mme A...de revenir sur le territoire pendant deux ans, le préfet aurait pris porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la décision ne faisant pas obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive hors du territoire français. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
14. En troisième lieu, compte tenu notamment des conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet n'a pas pris une mesure disproportionnée en interdisant le retour de Mme A...sur le territoire pendant une durée de deux ans.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : "Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays". Ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, la décision portant interdiction de retour, prononcée à l'encontre de MmeA..., ne prive pas par elle-même son fils Wisdom de la possibilité d'entrer sur le territoire français. Ainsi, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02571