2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités par Sahil et Suliman Abdulahad dans un délai de quinze jours à compter de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la Loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas tenu compte du mémoire produit le 29 octobre 2017 ainsi que des pièces annexées et n'a pas répondu au nouveau moyen soulevé dans ce mémoire, tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; le jugement est ainsi irrégulier ;
- il a produit les pièces permettant de prouver le statut de réfugié qui lui a été accordé, son état civil, l'état civil de ses deux enfants et leur filiation ; son fils Suliman est bien né le 10 février 2003 à Nangarhar (Afghanistan) et son fils Sahil, le 26 mars 2001 ; ce sont ses enfants et le " tazkera " de Sulaiman donné au Consulat était entaché d'une erreur purement matérielle ; il n'a pas dissimulé le fait qu'il a adopté ses enfants et il a produit une pièce établissant cette adoption ; les tazkeras ne font jamais mention de la filiation maternelle ; il n'a pas signé les tazkeras ; les différences quant aux dates de naissance ne sont pas significatives ; l'absence de légalisation est sans incidence, compte tenu de son statut de réfugié ; il produit de nouveaux documents légalisés ;
- il a toujours élevé ses enfants lorsqu'il était en Afghanistan et il subvient à leurs besoins ;
- la Commission a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnaît également l'intérêt supérieur des enfants protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il se réfère à son mémoire en défense présenté en première instance et soutient que les moyens soulevés par M. G...ne sont pas fondés.
M. G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... G...relève appel du jugement du 23 novembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juillet 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant les demandes de visas présentées pour ses enfants allégués Sahil Abdulahad et Suliman Abdulahad.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé par M.G..., dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 29 octobre 2017, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En omettant de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant, le tribunal, qui a également omis de viser le mémoire précité enregistré le 29 octobre 2017, a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit par suite être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
4. En premier lieu, la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa, ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits.
5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. G..., qui a obtenu le statut de réfugié en 2013, a déclaré avoir adopté deux enfants, Sahel, né en 2001 et Sulaiman, né en 2003, le premier né d'un cousin paternel du requérant, M. B...C..., le second d'un autre cousin paternel, M. A...E.... Pour établir les liens de filiation allégués, M. G...a produit plusieurs tazkeras, ou cartes d'identité afghanes, les premiers établis le 7 mai 2013, soit plus de dix ans après les naissances alléguées. Ces tazkeras sont signés par le requérant le 7 mai 2013 alors qu'à la date de leur délivrance, l'intéressé avait rejoint la France où il s'était vu reconnaître la qualité de réfugié. Outre que le premier tazkera concernant Sulaiman comporte une date de naissance erronée (2001 au lieu de 2003), les tazkeras ne précisent ni jour ni mois de naissance, M. G...a indiqué dans son recours à la CRRV avoir déterminé comme dates de naissance le 31 décembre 2001 et 2003 et, cependant, les passeports indiquent comme dates de naissance le 26 mars 2001 pour Sahel et le 10 février 2003 pour Sulaiman, sans explication crédible sur cette précision. Ces tazkeras mentionnent le nom du requérant comme étant leur père alors qu'il indique les avoir adoptés. Par ailleurs, le requérant a indiqué, sur les formulaires de demandes de visas, que les jeunes Sahel et Sulaiman sont nés à Jalalabad, alors que les tazkeras indiquent comme lieu de naissance " 3e arrondissement " du district de Sharwalai ", et que les passeports mentionnent la simple province de Nangarhar. Enfin, pour établir l'adoption dont il a fait état, M. G...s'est borné à produire une attestation des " membres du conseil tribal du peuple Babori " indiquant que le requérant a adopté les deux enfants dont s'agit. Toutefois, à défaut de toute précision utile sur la nature de cette instance, l'authenticité de ce document ne peut être regardée comme établie.
8. Dans ces conditions, compte tenu des incohérences et insuffisances affectant les documents d'état civil produits, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'identité des demandeurs et donc leur lien familial avec M. G...ne peuvent être regardés comme établis.
9. En deuxième lieu, si le requérant fait valoir qu'il a toujours élevé ses enfants lorsqu'il était en Afghanistan et qu'il subvient à leurs besoins, ce moyen n'est assorti d'aucune précision ni de justifications, l'intéressé ne produisant aucune pièce attestant du maintien des relations avec ses fils allégués.
10. En dernier lieu, le lien de filiation allégué entre M. G...et les demandeurs de visas n'étant pas établi, l'intéressé n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 23 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02922