Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 juillet 2015 et le 21 octobre 2016, M. et MmeB..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Tours du 14 mars 2014 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Tours la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait pour avoir considéré que l'arrêté attaqué était conforme aux dispositions de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme, alors que l'espace libre devant recevoir un traitement végétal ne représente pas un tiers de l'espace non bâti ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, le projet architectural versé au dossier de demande de permis de construire étant insuffisant ;
- les dispositions de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues, dès lors que la voie d'accès à l'immeuble dont la construction est projetée, d'une part, ne respecte pas les conditions minimales fixées par l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 et, d'autre part, n'est pas adaptée à la nature ni à l'importance de l'opération ;
- l'arrêté contesté méconnait également les dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors que le projet ne traduit pas le parcellaire existant et n'est pas en harmonie avec l'habitat avoisinant ;
- le projet n'est pas conforme aux dispositions de l'article UC 13.2 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors qu'aucun aménagement végétalisé n'est prévu au droit des trois places de stationnement prévues en fond de parcelle ;
- les dispositions de l'article R. 111-18 du code de la construction et de l'habitation ont été méconnues, dès lors que le bâtiment dont la construction est projetée ne répond pas aux normes permettant l'accès à l'immeuble pour les personnes handicapées.
Par des mémoires en défense enregistrés les 25 septembre 2015 et 7 novembre 2016, la société civile immobilière Monphelia II, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, faute d'avoir fait l'objet de la notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et pour les requérants de justifier d'un intérêt à agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse d'une annulation du permis de construire attaqué, les conséquences de cette annulation avec effet rétroactif seraient disproportionnées, les effets de cette annulation devant, dès lors, être modulés dans le temps.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2016, la commune de Tours, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable, faute pour M. et Mme B...de justifier de leur intérêt à agir et, subsidiairement, que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- les observations de MeD..., représentant M. et MmeB..., de Me E...substituant MeG..., représentant la commune de Tours, et de MeA..., substituant MeF..., représentant la société civile immobilière Monphelia II.
1. Considérant que par un arrêté du 14 mars 2014, le maire de Tours a accordé à la société civile immobilière (SCI) Monphelia II un permis de construire un immeuble d'habitation sur un terrain situé 10 bis rue Georget ; que M. et MmeB..., voisins immédiats du projet, relèvent appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Tours et la SCI Monphelia II :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B...sont propriétaires d'une maison située 10 rue Georget à Tours, sur un terrain mitoyen de celui devant servir d'assiette au projet autorisé par l'arrêté attaqué, projet qui, par sa nature, son importance et sa localisation est susceptible de porter atteinte aux conditions dans lesquelles les requérants occupent leur bien ; que les requérants justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B...justifient avoir satisfait aux obligations de notification de leur requête d'appel prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Tours, dans sa version alors en vigueur : " (...) 13.1 Espaces libres / Les espaces libres sont les espaces non occupés par les constructions, les voiries (sauf voies dédiées aux circulations douces) et les aires de stationnement (sauf celles dédiées aux vélos) / L'espace libre doit représenter au moins un tiers de l'espace non bâti et doit recevoir un traitement végétal de qualité et être le moins morcelé possible (...) " ; que l'espace libre doit être calculé, dans ce cadre, au niveau de l'emprise au sol non bâtie, ce qui exclut, dès lors, la prise en compte des surfaces surplombées par des éléments de construction ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan PC2.1 joint à la demande de permis de construire de la SCI Monphelia II, que la surface bâtie au niveau du sol est de 77 m2, la surface non bâtie étant de 209 m2 ; qu'il aurait, par suite, fallu ménager un espace libre d'au moins 69,67 m2, en vertu des dispositions précitées, cet espace n'étant toutefois que de 48 m2 dans le projet en litige ; que les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que le maire de Tours ne pouvait délivrer le permis en litige sans méconnaître les dispositions précitées de l'article UC 13 du plan local d'urbanisme ;
7. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen invoqué par les requérants n'est susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation des décisions contestées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Tours du 14 mars 2014 et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
Sur les conclusions de la SCI Monphelia II tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation prononcée :
9. Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
10. Considérant que l'annulation de l'arrêté du maire de Tours du 14 mars 2014 accordant un permis de construire à la société civile immobilière Monphelia II n'implique pas, contrairement à ce que soutient cette dernière, que les occupants de l'immeuble désormais totalement édifié en vertu de ce permis soient privés de leur logement, pas plus qu'il n'est établi que cette annulation pourrait causer d'importants troubles de voisinage ; que, dès lors, en l'absence d'autres circonstances particulières dont les parties à l'instance auraient pu faire état, la limitation dans le temps des effets de l'annulation prononcée par le présent arrêt n'apparait pas justifiée ; que les conclusions présentées à cette fin ne sauraient, par suite, être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Tours, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Tours et la SCI Monphelia II ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2015, l'arrêté du maire de Tours du 14 mars 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. et Mme B...sont annulés.
Article 2 : La commune de Tours versera à M. et Mme B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Tours et la société civile immobilière Monphelia II au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et AurélieB..., à la commune de Tours et à la société civile immobilière Monphelia II.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02378