Par une requête, enregistrée le 22 février 2016, Mme B... veuveC..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2015 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 7 mars 2013 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de délivrer deux visas d'entrée en France au profit de Jessica et Christel dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de mille euros en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C...soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;
- les actes d'état-civil qu'elle a produits font foi jusqu'à preuve du contraire ;
- elle a déclaré ses deux enfants lors de sa première audition à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en 2007 ;
- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'existence d'une situation de possession d'état est révélée par les copies de mandats internationaux qu'elle produit ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de délivrer les visas demandés pour ses enfants lui cause un préjudice dont elle est fondée à demander réparation à hauteur de 1 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondée.
Par ordonnance du 13 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2017 à 12 heures.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-637 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme E...B...veuveC..., ressortissante de la République centrafricaine, relève appel du jugement en date du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté son recours contre la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du portant rejet des demandes de visas d'entrée en France déposées pour ses enfants allégués Jessica et Christel ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant les demandes de visas d'entrée en France aux enfants Jessica A...et Christel A...est motivée notamment par le fait que " les documents d'état-civil produits à l'appui de la demande et concernant la naissance des intéressés comportent des incohérences qui leur ôtent tout caractère probant et ne permettent pas d'établir leur identité avec certitude ainsi que leur lien familial avec l'auteur de la demande de regroupement familial. Leur production au dossier relève au surplus d'une intention frauduleuse. " ; que l'administration, qui n'avait pas à détailler la nature particulière des incohérences relevées, a ainsi indiqué avec suffisamment de précision les raisons l'ayant conduite à ne pas tenir compte des documents produits par MmeA... ; que la décision attaquée mentionne également les autres circonstances relevées par l'administration ; que c'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision attaquée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état-civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état-civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état-civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme de la réalité des actes en question ;
4. Considérant que Mme C... s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée le 26 septembre 2007 ; que les enfants de réfugié statutaire ont droit lorsqu'ils ont moins de dix huit ans, sous réserve de motifs d'ordre public et à condition que leur lien de filiation soit établi, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre leur père ou leur mère réfugié en France ; que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de membres de la famille d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance des visas sollicités en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits à l'appui de la demande ;
5. Considérant que Mme C...a produit à l'appui de sa demande de visas présentée pour ses enfants allégués deux copies d'actes de naissance établis le 5 septembre 2011, faisant suite à deux jugements de reconstitution d'actes de naissance du 19 juillet 2011, également produits ; que ces copies de jugement indiquent toutes deux avoir été rendus au terme d'une audience s'étant tenue le 19 juillet 2011, tout en indiquant que les requêtes correspondantes datent du 20 juillet, soit le lendemain ; que le jugement concernant Christel A...indique que la requête correspondante a été déposée par Christel A...lui-même, alors que celui-ci était, à cette date, mineur ; que le jugement concernant Jessica A...indique que la requête correspondante a été déposée par Jean VianneyC..., alors qu'il s'agit de l'identité de l'homme que la requérante présente comme celle de son conjoint, dont elle a indiqué lors de son audition à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qu'il était porté disparu depuis le mois de juillet 2006 ; que ces jugements ne peuvent ainsi être regardés comme présentant un caractère authentique ; qu'il en va dès lors nécessairement de même des actes d'état-civil pris pour leur exécution ; que c'est ainsi sans commettre d'erreur de droit ou entacher sa décision d'une erreur d'appréciation que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a pu refuser à Mme C...la délivrance des visas sollicités, son lien de parenté avec Jessica et Christel ne pouvant pas être formellement établi à partir des pièces produites par elle ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme C...fait valoir qu'elle justifie d'une situation de possession d'état, les différents documents qu'elle produit, prenant la forme d'un témoignage de la personne présentée comme étant la " tutrice " des enfants et un justificatif de la souscription, opérée en décembre 2010, d'un contrat d'assurance-vie au bénéfice de Jessica et de Christel, ainsi que de quatre mandats internationaux adressés, pour une période s'étendant seulement de fin 2012 à début 2013, à cette même tutrice, ne peuvent suffire à établir la réalité d'une telle possession d'état ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence d'établissement du lien de filiation l'unissant à Jessica et à Christel, Mme C...ne peut utilement soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter l'ensemble de ces moyens ;
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme C...sollicite la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant de l'illégalité des refus opposés aux demandes de visas déposées pour ses enfants allégués, de telles conclusions sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable d'indemnisation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être écartées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme C... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... veuve C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir , président,
- M. Francfort, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 20 mars 2017.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
H. LENOIR Le greffier,
C. GOY
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N° 16NT00626