Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2020, M. F... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la délibération du 26 septembre 2018 par laquelle le conseil communautaire de Morlaix Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Plougasnou ainsi que le plan local d'urbanisme ;
3°) d'enjoindre au président de Morlaix Communauté de prescrire l'élaboration d'un nouveau document d'urbanisme afin de l'expurger des illégalités qui l'entachent, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard en application des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de Morlaix Communauté le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne respecte pas l'obligation de motivation exigée par l'article L. 9 du code de justice administrative ; les premiers juges se sont contentés de termes sibyllins pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise quant au classement en zone A de ses parcelles ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en tant qu'il a écarté le moyen tiré du vice de procédure tiré de l'absence d'avis du conseil municipal de la commune de Plougasnou après l'enquête publique prévu par l'article L. 5211-57 du code général des collectivités territoriales, au motif que ce vice n'a pas privé de garantie la commune et n'a pas exercé une influence sur le sens de la délibération du 26 septembre 2018 ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en tant qu'il a écarté le moyen tiré de l'absence de transmission aux conseillers communautaires de la note explicative de synthèse prévue par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, au motif qu'en l'espèce, cette omission n'a pas privé les conseillers communautaires d'une garantie ni influencé le sens de la délibération du 26 septembre 2018 ;
- la délibération du 26 septembre 2018 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du classement en zone A à vocation agricole de ses parcelles qui se situent au sud-ouest du bourg, dans une zone déjà urbanisée ;
- ses moyens contenus dans la requête soumise aux premiers juges justifient l'annulation de la délibération du 26 septembre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2020, Morlaix Communauté, représentée par Me D..., conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le litige est devenu sans objet, dès lors que, par délibération du 10 février 2020, le conseil communautaire a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat (PLUi-H) de Morlaix Communauté, cette délibération ayant implicitement mais nécessairement abrogé la délibération du 26 septembre 2018 attaquée ;
- les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.
Par une lettre du 11 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, de ce que la cour est susceptible de prononcer un sursis à statuer pour permettre la régularisation d'une illégalité entachant la procédure de révision du PLU relative à l'absence de note explicative de synthèse.
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2020, Morlaix Communauté a maintenu ses conclusions tendant au rejet de la requête et fait valoir que l'absence de note explicative de synthèse n'a pas été de nature à priver les conseillers communautaires d'une garantie ou à exercer une influence sur le sens de la délibération.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- les observations de M. E..., représenté par Me B... et celles de Morlaix Communauté, représentée par Me C..., substituant Me D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de la délibération du 26 septembre 2018 par laquelle le conseil communautaire de Morlaix Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Plougasnou. M. E... relève appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par Morlaix Communauté :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Morlaix Communauté oppose en défense une exception de non-lieu à statuer au motif qu'une délibération du 10 février 2020 par laquelle le conseil communautaire a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat (PLUi-H) de Morlaix Communauté a implicitement mais nécessairement abrogé la délibération du 26 septembre 2018 attaquée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la délibération du 10 février 2020 est elle-même contestée devant le tribunal administratif de Rennes, de sorte qu'elle n'est pas devenue définitive. En outre, et en tout état de cause, la délibération du 26 septembre 2018 portant approbation du PLU a reçu exécution pendant la période où elle était en vigueur. Il suit de là que l'exception de non-lieu opposée par Morlaix Communauté ne peut être accueillie.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
5. Pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant au classement de ses parcelles en zone agricole, les premiers juges ont précisément décrit l'environnement dans lequel elles se situent et évoque leur potentiel agricole. Contrairement à ce que soutient
M. E..., les premiers juges ne se sont pas contentés de " termes sibyllins ". Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 11 décembre 2019 est irrégulier pour insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de concertation et de l'irrégularité de l'enquête publique, que le requérant reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521157 du code général des collectivités territoriales : " Les décisions du conseil d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les effets ne concernent qu'une seule des communes membres ne peuvent être prises qu'après avis du conseil municipal de cette commune. S'il n'a pas été rendu dans le délai de trois mois à compter de la transmission du projet de la communauté, l'avis est réputé favorable. Lorsque cet avis est défavorable, la décision est prise à la majorité des deux tiers des membres du conseil de l'établissement public de coopération intercommunale ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Morlaix Communauté a saisi la commune de Plougasnou d'une demande d'avis sur le fondement des articles L. 153-16 et R. 153-4 du code de l'urbanisme, soit au moment de l'arrêt du projet de PLU et avant l'enquête publique. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir Morlaix Communauté, cette demande d'avis ne saurait se confondre ou se substituer à la demande d'avis prévue par l'article L. 5211-57 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'à la suite de l'enquête publique, le projet de PLU est susceptible de connaître des modifications, de sorte que l'avis de la commune peut également être amené à changer. Par suite, l'absence de demande d'avis prévue par l'article L. 5211-57 du code général des collectivités territoriales constitue un vice de procédure.
9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
10. Il ressort des pièces du dossier qu'avant l'enquête publique, la commune de Plougasnou, qui n'a présenté aucune observation dans le cadre de cette enquête, a émis un avis favorable. Il en ressort également qu'à l'issue de l'enquête publique, seules des modifications mineures ont été apportées au projet, ne remettant pas en cause son économie générale. Enfin, les deux conseillers communautaires, également élus du conseil municipal de Plougasnou, ont voté en faveur du PLU, lequel a été approuvé à l'unanimité des votants. Il suit de là qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de demande d'avis prévue par l'article L. 5211-57 du code général des collectivités territoriales a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé la commune de Plougasnou d'une garantie. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, M. E... ne se trouve pas dans l'impossibilité d'apporter des éléments de nature à établir que l'avis de la commune de Plougasnou aurait été susceptible d'avoir évolué après l'enquête publique. Enfin, l'examen au cas par cas de la portée du vice de procédure sur la décision attaquée n'a ni pour effet ni pour objet, contrairement à ce que soutient le requérant, de supprimer purement et simplement la consultation obligatoire prévue à l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales. Par suite, le moyen tiré de ce vice de procédure doit être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 52111 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles L. 2121-8, L. 2121-9, L. 2121-11, L. 2121-12, L. 2121-19 et L. 2121-22 et L2121-27-1, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire. (...) ". Aux termes de l'article L. 212113 de ce même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Aux termes de l'article L. 212112 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) ".
12. Il n'est pas contesté que Morlaix Communauté comprend au moins une commune de 3 500 habitants et plus et que la note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération, qui devait être adressée avec la convocation aux membres du conseil communautaire en application de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, ne l'a pas été.
13. Il ressort des pièces du dossier qu'après la conférence intercommunale des maires qui s'est tenue le 17 septembre 2018, les conseillers communautaires ont été convoqués à la séance du 26 septembre 2018 par un courrier du 20 septembre 2018 auquel étaient joints le projet de la délibération, concernant le PLU de Plougasnou, mentionnant les étapes de la procédure d'élaboration du PLU ainsi qu'un document énumérant précisément toutes les modifications apportées au document d'urbanisme à la suite de l'enquête publique. De plus, un lien de téléchargement a été transmis pour permettre aux conseillers communautaires de consulter l'entier dossier de PLU. En outre, le conseil communautaire avait débattu le 3 octobre 2016 des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables et, lors de la séance du 27 novembre 2017, avait tiré le bilan de la concertation et arrêté le projet de PLU. La convocation à la séance du 27 novembre 2017 comprenait en annexe une note explicative de synthèse dont les conseillers communautaires avaient dès lors eu connaissance moins de dix mois auparavant, à la date de la délibération attaquée. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de nouvelle note explicative de synthèse, en vue de la délibération du 26 septembre 2018 approuvant le PLU, a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la délibération prise ou qu'elle a privé les conseillers communautaires d'une garantie.
14. En quatrième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 1519 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, repris à l'article R. 15122 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceuxci. "
15. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite "zone A", du plan local d'urbanisme (PLU) a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.
16. Il ressort des pièces du dossier que le PADD mentionne parmi les objectifs stratégiques de la commune de Plougasnou, d'une part, d' " équilibrer le développement multipolaire de la commune : en affirmant la centralité de l'agglomération du bourg par une densification urbaine (...) " et, d'autre part, de " préserver les espaces agricoles et forestiers ainsi que leurs capacités d'exploitation, en maintenant de vastes coupures d'urbanisation entre les entités bâties du territoire et en refusant l'urbanisation diffuse le long des voies de communication et au sein de la zone agricole. ". Il ressort des pièces du dossier, notamment des documents cartographiques et des photographies aériennes que les parcelles cadastrées section CA n°s 70 et 71 appartenant à M. E... se situent au sud-ouest du bourg de Plougasnou, à l'intersection de deux axes routiers dont l'un conduit au centre bourg et à la jonction d'une zone urbanisée de densité modérée et d'un secteur naturel et agricole. Le classement en zone agricole est en cohérence avec le parti d'urbanisme de la commune consistant à ne pas permettre l'urbanisation diffuse le long des voies de communication et au sein de la zone agricole. Par suite, et alors même que les parcelles ne présenteraient pas elles-mêmes le caractère de terres agricoles, le classement des parcelles de M. E... en zone agricole n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
18. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de M. E..., qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à Morlaix Communauté de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera à Morlaix Communauté la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à Morlaix Communauté.
Copie en sera adressée, pour information, à la commune de Plougasnou.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au
préfet du Finistère
en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis
en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées, de pourvoir
à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00093