Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2018, M. B...et MmeC..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision en date du 26 novembre 2015 par laquelle la Commission de recours contre les décisions de refus de visas a confirmé le refus de visa au profit de MmeC... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité à MmeC..., dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'administration de reprendre l'instruction des demandes et de rendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le lien matrimonial entre M. B...et Mme C...est établi ;
- la décision de refus de délivrance de visa est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense enregistrés les 16 mars, 23 avril et 24 mai 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...B..., ressortissant malien né en 1968 et entré en France le 17 juillet 2003, réside régulièrement sur le territoire national en vertu d'une carte de résident valable jusqu'en 2018. Par décision du 12 août 2014, le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé le regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme A...C..., et de leurs trois enfants, Siaba, Mariam et Kankou B.... Ces derniers ont sollicité la délivrance de visas de long séjour auprès des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali). Les demandes ont été rejetées le 5 août 2015 au motif qu'elles étaient entachées de fraude à l'état civil. Au vu de ce motif, le préfet de la Loire-Atlantique a, par une décision du 24 septembre 2015, retiré l'autorisation de regroupement familial qu'il avait accordée au requérant. Par un jugement n°s 1600473 et 1600474 du 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision précitée du 24 septembre 2015 ainsi que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 novembre 2015 en tant qu'elle refuse des visas à Siaba, Mariam et Kankou B...et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Siaba, Mariam et Kankou B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. M. B...et Mme C...relèvent appel du jugement du 6 décembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande s'agissant du refus de visa opposé à MmeC....
2. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes de filiation produits.
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact qu'en cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. En premier lieu, pour établir l'identité de MmeC..., l'épouse de M.B..., les requérants ont produit une copie littérale d'acte de naissance n° 421 certifiée conforme à l'original n° 987, ce dernier acte ayant été dressé sur la base du jugement supplétif du 5 octobre 2010. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la copie intégrale de l'acte de naissance n° 987 ne mentionne aucun jugement supplétif. En outre, les actes de naissance produits comportent des informations ne figurant pas sur le jugement supplétif, comme la profession des parents. De plus, la copie intégrale de l'acte de naissance n° 987 mentionne que Mme A...C...est née à Bamako alors que la copie littérale de ce même acte de naissance, le jugement supplétif et l'acte n° 421 certifié conforme à l'original n° 987 indiquent que le lieu de la naissance était Tenenkou. Les deux copies de l'acte de naissance n° 987 ont été établies au centre d'état-civil de Sogoniko alors que le jugement supplétif du 5 octobre 2010 a été rendu par le tribunal civil de Tenenkou. Les requérants soutiennent que les autorités locales à Bamako ont accepté d'établir l'acte de naissance de Mme C...par transcription du jugement supplétif du 5 octobre 2010, afin de lui éviter de se rendre dans sa ville natale, alors aux mains des terroristes islamistes. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, M. B...n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations. Au surplus, l'extrait d'acte de naissance n° 421 émanant du centre d'état civil de Tenenkou ne porte pas mention de ce jugement supplétif dont il est pourtant censé assurer la transcription. Au vu de ces éléments, le certificat d'identité de 2018, ne comportant pas de photographie, établi sur la base des documents précités, ne saurait suffire à établir l'identité de MmeC.... Dès lors, au vu de ces incohérences, les différents actes produits sont dépourvus de toute valeur probante et ne peuvent attester de l'identité de MmeC....
6. En deuxième lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'existence d'une situation de possession d'état pour établir l'identité de la demandeuse de visa, MmeC..., ou le lien matrimonial dont elle se prévaut.
7. En troisième et dernier lieu, les requérants soutiennent que la décision attaquée du 27 juin 2014 contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'à défaut d'établir l'identité de la demandeuse de visa et par suite son lien matrimonial avec M.B..., ce moyen ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande s'agissant du refus de visa de long séjour opposé à MmeC.... Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT00471