Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er mars 2018 et le 3 décembre 2018, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à MeA..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision d'aide juridictionnelle devant le tribunal administratif, en date du 31 août 2017, est devenue définitive seulement le 15 septembre 2017 ; la demande présentée devant le tribunal administratif n'était donc pas tardive, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- il séjourne en France depuis le 18 décembre 2001, soit depuis plus de seize ans ; il vit en concubinage avec une compatriote dont il a eu un enfant ; il est intégré en France et n'a plus d'attache en Mongolie ; il justifie de promesses d'embauche ; la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour ; les faits délictueux qu'il a commis sont anciens ; il peut donc prétendre à un titre de séjour au titre de l'article L. 313-11, 7° du CESEDA ;
- la décision d'éloignement est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures produites en première instance.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D...interjette appel du jugement du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de Caen qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, [...] l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu des articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, le ministère public ou le bâtonnier peuvent former un recours contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle dans un délai " de deux mois à compter du jour de la décision ".
3. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. D...a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 25 juillet 2017, soit dans le délai de recours contentieux à compter de la notification de l'arrêté contesté en date du 27 juin 2017. L'intéressé a obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 août 2017. La date de notification de cette décision ne peut toutefois être déterminée avec certitude. Le délai de recours contentieux n'était dès lors pas opposable à M. D...de sorte que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen le 4 octobre 2017, n'était pas tardive.
5. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Caen a commis une irrégularité en rejetant comme tardive la demande de l'intéressé. Son jugement doit, par suite, être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 27 juin 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M.D..., ressortissant de nationalité mongole, né le 18 janvier 1980, est entré sur le territoire français le 20 novembre 2001, sous couvert d'un passeport muni d'un visa long séjour" étudiant ", a été mis en possession de 5 cartes de séjour temporaire successives portant la mention" étudiant" du 27 décembre 2001 au 26 décembre 2006. Il n'a toutefois pas validé ses études et a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français le 30 janvier 2008, dont la légalité a été confirmée par jugement du 15 mai 2008 du tribunal administratif de Caen. L'intéressé s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire, puis a de nouveau fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français le 22 janvier 2013. En dépit du rejet de son recours dirigé contre ce refus de séjour par le tribunal administratif, l'intéressé s'est à nouveau maintenu irrégulièrement sur le territoire français. M. D...vit en concubinage avec une compatriote, MmeB..., dont il a eu un enfant, Tengis, né le 11 juin 2013. Si M. D... justifie ainsi de plus de seize années de présence sur le territoire français, et s'il a fait état de lettres de soutien attestant son intégration dans la société française, il n'a cependant pas validé son cursus universitaire, demeurait à la date de l'arrêté contesté actuellement sans emploi et sans logement et n'apporte aucun élément tangible permettant d'établir son insertion notamment professionnelle en France. Sa concubine a déposé une demande d'asile sous une fausse identité, le 9 novembre 2012, et fait également l'objet d'un arrêté de refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français. En outre, M. D...a été condamné le 7 septembre 2004 pour vol aggravé et le 19 mai 2011 pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs et recel de bien provenant d'un délit. Par ailleurs, M. D...ne peut se prévaloir utilement de la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable émis par la commission du titre de séjour, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés ".
10. M. D...fait valoir la présence de sa cousine en France et sa vie de famille avec sa concubine et leur enfant scolarisé à l'école maternelle. Toutefois, Mme B...a fait l'objet, par arrêté du 30 juin 2017, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. Rien ne s'oppose à ce que la vie familiale de M.D..., de Mme B...et de leur enfant puisse se poursuivre dans leur pays d'origine. Le requérant n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France rappelées au point 8, le préfet n'a pas, en faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire, porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2017 du préfet du Calvados. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D...et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUETLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00931