3°) à titre subsidiaire d'accorder l'autorisation et d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor de fixer s'il y a lieu les prescriptions complémentaires nécessaires ou, à titre très subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de délivrer cette autorisation ou, à titre infiniment subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa demande, le tout dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en fait ;
- il est entaché d'incompétence négative ; le préfet des Côtes-d'Armor s'est estimé lié par les avis défavorables de plusieurs communes, du commissaire enquêteur et du public ;
- il est entaché d'erreur de droit ; le préfet des Côtes-d'Armor ne peut légalement fonder sa décision sur les avis défavorables de plusieurs communes, du commissaire enquêteur et du public, lesquels ne sont pas des avis conformes ;
- il est entaché d'erreurs dans l'appréciation de l'atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement que sont l'utilisation économe des sols agricoles, la commodité du voisinage, la protection des paysages, la conservation du patrimoine archéologique, la protection de la nature et de l'environnement ' ainsi que la sécurité et à la salubrité publiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Bégué substituant Me Gelas, pour la société Eolis L'Etournelle.
Une note en délibéré, enregistrée le 10 mars 2022, a été présentée pour la société Eolis L'Etournelle.
Considérant ce qui suit :
1. La société Eolis L'Etournelle a déposé le 29 novembre 2016 une demande d'autorisation unique portant sur un parc composé de quatre éoliennes d'une hauteur de 150 mètres en bout de pale et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Plumieux. Par un arrêté du 3 juillet 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de délivrer l'autorisation unique demandée. La société Eolis L'Etournelle a formé un recours gracieux auprès du préfet. Par un arrêté du 3 novembre 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a retiré l'arrêté du 3 juillet 2020 qui était insuffisamment motivé en droit et en fait. Toutefois, par un arrêté du 15 décembre 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a de nouveau refusé la délivrance de l'autorisation unique demandée par la société Eolis L'Etournelle. La requérante demande l'annulation de cet arrêté préfectoral du 15 décembre 2020.
Sur la légalité du refus d'autorisation unique :
2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral contesté énonce les motifs pour lesquels la délivrance de l'autorisation unique demandée par la société Eolis L'Etournelle est refusée et précise pour chacun de ces motifs les éléments de fait déterminants pris en compte. Le motif tiré des inconvénients pour la commodité du voisinage en raison de la saturation visuelle énumère ainsi les hameaux particulièrement concernés et le nombre d'éoliennes présentes dans un rayon de 5 et de 10 km et reprend les éléments de l'étude de saturation réalisée par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bretagne. Le motif tiré de l'atteinte à la nature et à l'environnement précise que le câblage traverse une zone humide et le ruisseau du Blaye, lequel constitue un corridor écologique et un réservoir de biodiversité, et indique que la proximité de l'éolienne E4 avec la lisière boisée comporte un risque pour les chiroptères. L'arrêté contesté mentionne également la consommation des terres agricoles, soit 2 600 m² par aérogénérateur, l'atteinte au patrimoine local archéologique que constitue la voie romaine répertoriée au cadastre de Plumieux de 1829, ainsi que le risque d'incendie compte tenu de la proximité d'installations d'élevage et d'un massif forestier de grande surface et riche d'essences inflammables. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation invoqué par la société Eolis L'Etournelle manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique : " L'autorisation unique est instruite et délivrée dans les conditions applicables à l'autorisation prévue aux articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement, alors en vigueur : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique (...) relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et après avis des conseils municipaux intéressés. (...) ".
4. Il est constant que l'arrêté contesté fait référence aux avis défavorables de sept communes, dont la commune d'implantation des éoliennes, sur les dix communes consultées, à l'avis défavorable du commissaire enquêteur et aux observations défavorables du public dont plus de la moitié porte sur la saturation du paysage. Il résulte toutefois des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet des Côtes-d'Armor a procédé à une analyse complète et précise de la demande d'autorisation unique déposée par la société Eolis L'Etournelle. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet des Côtes-d'Armor se serait estimé lié par les avis et observations défavorables ainsi visés. La société requérante n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet des Côtes d'Armor se serait mépris sur l'étendue de sa compétence.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code énonce que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que le projet éolien en litige est localisé au sein de l'unité paysagère du plateau de Pontivy-Loudéac et du plateau de l'Yvel, au sein d'un paysage agricole moderne, constitué de grandes parcelles de cultures, ponctué de nombreux bâtiments d'élevage, de stockage et de transformation associés à de grands linéaires de routes. Le relief peu marqué induit une ambiance de plateau ondulé et l'orientation des vallées est très diverse. Il résulte également de l'instruction que six parcs éoliens sont déjà implantés dans un rayon de 10 kilomètres et trois autres projets sont en cours d'instruction. Selon le volet paysager et le carnet de photomontages que comporte la demande le bourg de Plumieux et les hameaux de la Trinité-Porhoët, de Mohon et de Saint-Léau sont particulièrement concernés par l'effet de saturation visuelle et d'encerclement liés à la présence de nombreux parcs éoliens dans un rayon de 10 kilomètres, lesquels peuvent également se superposer dans le champ de vision. Il résulte ainsi de l'instruction que le bourg de Plumieux compte 17 éoliennes à moins de 5 kilomètres, que le hameau de la Trinité-Porhoët en compte 20 à moins de 5 kilomètres, que le hameau de Mohon compte 31 éoliennes à moins de 5 kilomètres et qu'enfin le hameau de Saint-Léau compte 17 éoliennes à moins de 5 kilomètres. Il résulte également de l'instruction qu'à l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 25 novembre au 27 décembre 2019, le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable au projet en retenant que le cumul des parcs éoliens entraîne un effet de saturation et d'encerclement dans plusieurs hameaux. Compte tenu de ce qui précède, et dans la mesure où le relief, le boisement et les constructions ne limitent qu'imparfaitement cet effet de saturation, le projet litigieux doit être regardé comme présentant pour la commodité du voisinage des inconvénients excessifs, qui ne sauraient être prévenus par des prescriptions spéciales, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. Il résulte de l'instruction que le préfet des Côtes-d'Armor aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Eolis L'Etournelle n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande d'autorisation unique, ni par suite à demander que cette autorisation lui soit délivrée.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Eolis L'Etournelle de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Eolis L'Etournelle est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eolis L'Etournelle et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT00424