Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 avril et 6 octobre 2017, la Sarl Pérotin Immobilier, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 février 2017 ;
2°) de condamner la commune de Montfort-sur-Meu à lui verser la somme de
58 335,08 euros, majorée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la date de sa demande préalable reçue le 7 septembre 2012 par la commune et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montfort-sur-Meu la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'indemnisation de l'emprise irrégulière n'étais pas prescrite ;
- le financement de la réalisation du transformateur électrique devait être assurée par la commune ;
- les travaux de démolition du bâtiment en préfabriqué doivent être mis à la charge de la commune car ils ont été effectués pour son compte.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2017, la commune de Montfort-sur-Meu, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la Sarl Pérotin immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la Sarl Pérotin immobilier ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées que l'affaire était susceptible, à compter du 5 septembre 2018, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 6 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- les observations de Me B...pour la société Pérotin Immobilier et de Me D...pour la commune de Montfort-sur-Meu.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Montfort-sur-Meu a été enregistrée le 11 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Pérotin Immobilier a acquis, le 21 juin 2006, un ensemble de parcelles cadastrées AE 248, 241, 353 et 335, situées dans le secteur " Gare-Garun ", sur la commune de Montfort-sur-Meu. Devant le tribunal administratif de Rennes, la Sarl Pérotin a demandé d'une part à être indemnisée du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une emprise irrégulière de 283 m² sur la parcelle AE n° 335 tenant à la réalisation de la nouvelle voie publique passant sur cette parcelle pour un montant de 26 896,32 euros et, d'autre part à être remboursée de la valeur des travaux de démolition de bâtiments existants sur la parcelle AE n° 335, d'installation d'un transformateur EDF et de la cession d'un garage pour installer ledit transformateur EDF à hauteur d'une somme globale de 31 458,76 euros. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'indemnisation de l'emprise irrégulière :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / (...) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Selon l'article 3 de la même loi, la prescription ne court pas " contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
3. Il est constant que les travaux de voirie ayant abouti à la réalisation d'une nouvelle voie dite rue de l'Etang de la Cane réalisés au cours de l'année 2008 l'ont été, en partie, sur une parcelle propriété de la société requérante. Il ressort des pièces du dossier que la procédure d'expropriation n'avait donné lieu, postérieurement à l'arrêté de déclaration d'utilité publique valant arrêté de cessibilité de 2003, à aucune ordonnance d'expropriation et qu'aucun engagement ferme d'acquisition à l'amiable n'avait été pris par la commune après 2008. Compte tenu du fait générateur du préjudice subi par la Sarl Pérotin Immobilier constitué par cette emprise irrégulière, le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 2009 pour s'achever le 31 décembre 2013. Si la Sarl Pérotin immobilier a adressé un courrier recommandé notifié le 7 septembre 2012 à la commune de Montfort-sur-Meu, elle sollicitait dans celui-ci l'indemnisation d'un certain nombre de préjudices dont aucun ne se rattachait au fait générateur constitué par l'emprise irrégulière. Ainsi, ce courrier ne peut être regardé comme ayant interrompu le délai de prescription dans les conditions prévues l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968. Dès lors, la prescription était acquise antérieurement au 3 décembre 2014, date à laquelle la Sarl Pérotin Immobilier a demandé pour la première fois à la commune de Montfort-sur-Meu l'indemnisation du préjudice résultant de la réalisation de la rue sur sa parcelle, sans que la proposition d'acquisition de la commune, intervenue en 2015, n'ait eu d'effet sur l'expiration de ce délai. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la commune de Montfort-sur-Meu a opposé l'exception de prescription quadriennale à la créance dont se prévaut la Sarl Pérotin Immobilier résultant d'une emprise irrégulière de la commune sur sa propriété, laquelle pouvait être opposée pour la première fois dans les écritures de la commune devant le tribunal administratif de Rennes.
En ce qui concerne les demandes de remboursement de frais engagés pour le compte de la commune de Montfort-sur-Meu :
4. En vertu des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, les bénéficiaires d'autorisations de construire peuvent être tenus de réaliser et de financer les équipements propres à l'opération autorisée mentionnés à l'article L. 332-15 du même code. Ce dernier dispose que : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. /Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. (...) ". Il résulte de cet article que, pour l'alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les ouvrages d'extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.
5. La Sarl Pérotin Immobilier soutient que la réalisation du transformateur profite à la collectivité et ne pouvait être imposée à un seul opérateur. Toutefois, elle se borne à produire une attestation d'un architecte qui indique que le transformateur alimenterait certains secteurs de la ville, sans aucune autre information plus précise ni technique. Or, il ne résulte pas de l'instruction que ce transformateur électrique, lequel n'a pas été imposé par la décision d'autorisation de construire délivrée par le maire de la commune de Montfort-sur-Meu, revêtirait un quelconque caractère d'intérêt général pour les autres habitants de la commune. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, ce transformateur EDF, alors même qu'il serait utilisé pour le raccordement des usagers étrangers au bâtiment construit, constitue un équipement propre à la construction édifiée par la Sarl Pérotin Immobilier et non un équipement public. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander à être remboursée de la valeur des travaux d'installation d'un transformateur EDF et d'acquisition d'un garage pour installer ledit transformateur.
6. La Sarl Pérotin Immobilier soutient également que la démolition du bâtiment en préfabriqué existant sur la parcelle AE n° 335 aurait été utile à la commune car elle constituait un préalable indispensable à la réalisation de la voie nouvelle. Toutefois, il est constant que la société requérante ne justifie pas avoir reçu de mandat de la commune sur ces travaux de démolition et que la société, dans le cadre de son projet immobilier, devait démolir ce bâtiment. Ainsi, elle n'établit pas que ces travaux auraient été réalisés dans l'intérêt exclusif de la commune. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander à être remboursée de la valeur des travaux de démolition d'un bâtiment en préfabriqué.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Pérotin immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montfort-sur-Meu qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la société Perotin immobilier sollicite le versement au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Montfort-sur-Meu.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Pérotin immobilier est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montfort-sur-Meu tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Pérotin Immobilier et à la commune de Montfort-sur-Meu.
Copie en sera adressée, pour information, au ministre de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUETLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01196