Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2017, Mme A..., représentée par Me Leudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 juillet 2017 en ce qu'il concerne l'enfantC... ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 8 octobre 2015 et la décision du ministre de l'intérieur du 5 février 2016 en ce qu'elles concernent l'enfantC... ;
3°) d'enjoindre au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un réexamen du dossier, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au profit de Me Leudet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A...soutient que :
- la décision relative à son enfant C...est entachée d'une erreur d'appréciation quant aux différents documents d'état-civil qui ont été produits ;
- l'acte de naissance dressé le 16 mars 2008 par le service d'état-civil de la mairie de Bangui doit être regardé comme authentique même si la souche n'a pas pu en être retrouvée ;
- les services d'état-civil de la mairie de Bangui attestent qu'un tel acte a effectivement existé ;
- le jugement de reconstitution d'acte de naissance du 4 mai 2016 ne s'explique qu'en raison de cette situation ;
- le nouvel acte de naissance qui a été dressé à la suite de ce jugement doit être regardé comme présentant un caractère probant ;
- le certificat de naissance établi par les autorités consulaires de RDC en poste à Bangui constitue un élément de possession d'état ;
- le caractère superfétatoire du jugement supplétif du 17 juillet 2014 ne saurait faire obstacle à la prise en compte du jugement supplétif du 4 mai 2016 ;
- le défaut de valeur probante de ce jugement n'est pas établi ;
- elle justifie d'une situation de possession d'état et a produit les éléments qui en attestent, notamment des preuves de virements de fonds et du maintien d'un contact régulier ;
- le refus de délivrer un visa à C...méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision du ministre du 5 février 2016 méconnaît l'autorité s'attachant à l'ordonnance du juge des référés du 16 janvier 2015 ;
- la décision du 5 janvier 2016 été signée par une autorité incompétente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- et les observations de Me Leudet, représentant MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante de la République démocratique du Congo, s'est vue reconnaître le 28 novembre 2011 la qualité de réfugiée par les autorités de la République centrafricaine. Elle s'est enfuie de Centrafrique et est entrée en France, selon ses déclarations, en juillet 2012. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a confirmé le 14 janvier 2013 le bénéfice de ce statut. MmeA..., qui a déclaré être mère de quatre enfants nés entre 1998 et 2008, a alors entrepris les démarches leur permettant de la rejoindre en France. Suite aux refus opposés par les autorités consulaires locales françaises aux demandes de visas de long séjour ayant été déposées, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a, par une décision du 5 octobre 2015, rejeté le recours formé contre ces décisions. Par ordonnance du 22 janvier 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu cette décision, en enjoignant au ministre de l'intérieur de procéder à un réexamen des demandes. Le ministre a toutefois maintenu son refus par une décision du 5 février 2016. Par une ordonnance du 10 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, de nouveau, suspendu cette décision. Le ministre de l'intérieur ayant finalement délivré un visa temporaire aux enfants Youdi, Manuela et Jephté le 22 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, par une ordonnance en date du 15 avril 2016, mis fin à la suspension de la décision du ministre du 5 février précédent. Par un jugement en date du 28 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes, ayant joint les trois recours au fond formés par Mme A...contre ces différentes décisions, a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 5 octobre 2015 et celle du ministre du 5 février 2016 en ce qu'elle concernait les seuls enfants Youdi, Manuela et Jephté, en enjoignant au ministre de leur délivrer un visa de long séjour. Mme A...relève appel de cette décision en ce qu'elle rejette ses différentes conclusions relatives à l'enfantC....
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué, alors même que ses visas indiquent que MmeA..., dans sa requête n° 1601634, demande l'annulation de la décision du ministre du 5 février 2016 maintenant son refus de délivrer les visas sollicités pour les quatre enfants allégués, y comprisC..., que le tribunal administratif, a distingué le cas d'C... de celui des trois autres enfants de la requérante dans le dispositif de sa décision mais a omis de statuer sur cette demande particulière. Il a ce faisant, entaché sa décision d'une irrégularité. Le jugement attaqué doit ainsi, dans cette mesure, être annulé.
3. Il y a ainsi lieu pour la Cour de ce prononcer sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France concernant l'enfant C...A... :
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a toujours déclaré, depuis son entrée en France, être la mère de quatre enfants, dont la dernière, C..., serait née en 2008 à Bangui, Mme A...ayant dû fuir son pays et se réfugier en République centrafricaine. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle procède régulièrement à des envois d'argent depuis le début de l'année 2014 aux différentes personnes mentionnées dans le récit du prêtre centrafricain ayant recueilli les quatre enfants après le décès de la personne à laquelle Mme A... les avait confiés et auxquelles il déclare les avoir remis fin 2013 après avoir obtenu la certitude qu'elles étaient connues de l'intéressée. La requérante apporte également la preuve de ce qu'elle s'est rendue pendant plusieurs mois à Bangui au cours de l'année 2015 et produit des photos qui, bien que non datées et non circonstanciées, la montre en présence de quatre enfants dont le sexe et l'âge paraissent conformes à ceux de ses enfants allégués. Ces différents éléments, compte tenu de la situation très particulière de MmeA..., qui bien que réfugiée en République centrafricaine, a de nouveau dû se réfugier dans un autre pays, de même que la constance et la persévérance dont elle a fait preuve à l'occasion des différents contentieux formés en vue de retrouver ses quatre enfants, sont de nature à faire regarder l'intéressée comme justifiant de l'existence d'une situation de possession d'état.
5. Par suite, Mme A...est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 7 octobre 2015 en ce qu'elle concernait C...A....
Sur la légalité de la décision du ministre de l'intérieur du 5 février 2016 concernant C...A...:
6. Le présent arrêt annulant, comme il vient d'être dit, la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France concernant l'enfant C...A..., en raison de l'existence d'une situation de possession d'état au profit de MmeA..., celle-ci doit faire regarder le lien de filiation allégué comme établi. Le ministre de l'intérieur, en refusant le 5 février 2016 de délivrer le visa sollicité à l'occasion du réexamen de la demande auquel le juge des référés du tribunal administratif de Nantes lui avait enjoint de procéder à, ce faisant, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale et calles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant relative aux droits de l'enfant.
7. MmeA..., par suite, est fondée à soutenir que c'est également à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 février 2016 concernant son enfantC....
Sur les conclusions en injonction sous astreinte :
8. Compte tenu des motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de sa notification, un visa de long séjour à l'enfant C...A..., sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:
9. Mme A...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut valablement se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a par suite lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leudet, avocate de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leudet de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juillet 2017 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...dirigées contre les décisions refusant la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant C...A....
Article 2 : La décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 8 octobre 2015 et la décision du ministre de l'intérieur du 5 février 2016 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à C...A...sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mlle C...A...un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me Leudet est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 22 octobre 2018.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03008