Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2019 et 30 mars 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991
M. C... soutient que :
- la décision consulaire est entachée d'une erreur de droit ; le consulat général de France à Alger a instruit sa demande de visa long séjour dans le cadre de la procédure de visa en qualité de visiteur et non de commerçant ;
- la décision de la commission est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre ; il justifie de la viabilité de son projet commercial par la production d'un bilan prévisionnel d'un business plan et d'un justificatif de ressources alors que la circulaire du 29 octobre 2007 du ministre de l'intérieur ne le lui impose pas ; il a produit un bail commercial et un acte de cession d'un fonds de commerce ; il a également produit une attestation bancaire présentant un solde créditeur de 20 050 euros ;
- la décision de la commission méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C..., ressortissant algérien, tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa de long séjour en qualité de commerçant. M. C... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (... ) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. "
3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par les autorités diplomatiques ou consulaires. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision des autorités consulaires est inopérant.
4. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. M. C..., ressortissant algérien, a sollicité, le 9 octobre 2018, la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de commerçant. Il n'est pas contesté par le ministre que les motifs de refus opposés à M. C... par la commission de recours, tirés de l'absence de justification de ressources personnelles pour garantir le financement de son séjour en France et son retour en Algérie et de risque de détournement de l'objet du visa sont entachés d'illégalité. Toutefois, pour établir que la décision de refus était légale, le ministre a invoqué, en première instance, dans son mémoire en défense communiqué à l'intéressé, un autre motif tiré de ce que M. C... ne justifie pas de la consistance ni des perspectives de son projet commercial en France ni de ce qu'il pourrait en tirer des moyens d'existence suffisants.
6. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où un visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général. Il en va notamment ainsi des visas sollicités en vue de bénéficier du certificat de résidence portant la mention " commerçant " prévu par l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a acquis le fonds de commerce d'un établissement de réparation et vente de matériels de téléphonie situé à Vesoul dont il souhaite devenir le gérant et auquel s'ajoutera une activité de réparation et de vente de matériel informatique. Toutefois, les éléments fournis par l'intéressé sur son projet sont insuffisamment précis alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des énonciations de l'acte de cession produit, que le vendeur a déclaré avoir réalisé un chiffre d'affaires de 5 000 euros, en 2017, et 4 000 euros, en 2018, les bénéfices commerciaux s'élevant à 2 000 euros, en 2017, et 1 800 euros, en 2018. Dans ces conditions, il n'est pas établi par les pièces du dossier que cet établissement disposerait d'une capacité financière suffisante et serait susceptible de dégager des bénéfices. Enfin, le requérant ne peut utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 29 octobre 2007 relative aux règles applicables à l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale par les étrangers, dépourvus de caractère impératif. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur ce motif. Par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre de l'intérieur, laquelle n'a pas pour effet de priver le requérant d'une garantie procédurale.
8. En dernier lieu, eu égard à la nature du visa sollicité, M. C... ne faisant, en outre, valoir aucune attache familiale ou sociale en France, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme A..., présidente-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT03126