1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 février 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;
3°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à MeA..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
Sur le refus de titre de séjour :
- dès lors qu'il a déposé sa demande de titre de séjour dès le mois de juillet 2016, le préfet aurait dû saisir non pas le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mais le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) ;
- le préfet entache sa décision d'une erreur de droit puisqu'il se considère en compétence liée par rapport aux conclusions du collège des médecins de l'OFII ;
- il n'existe pas de traitement aisément accessible dans son pays d'origine ;
- outre l'absence de renseignement des cases du formulaire concernant le stade de l'élaboration de la décision, l'avis du service médical de l'OFII ne mentionne pas le rapport médical sur lequel s'est normalement fondé le collège médical de l'OFII ;
- le seul contenu de l'avis rendu par le service médical ne permettait pas au Préfet du Calvados de s'assurer de la régularité de cet avis lorsque ce dernier lui a été transmis ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de fait.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Picquet.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...C..., ressortissant mongol né le 2 mars 1982, est entré en France le 6 janvier 2015. La demande d'asile qu'il a formée a été rejetée le 9 octobre 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 6 juillet 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. M. C...a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 septembre 2017, le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. La demande d'annulation formée contre cet arrêté a été rejetée par le tribunal administratif de Caen dans un jugement du 2 février 2018. M. C...fait appel de ce jugement.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2018. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'il résulte du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Le VI de l'article 67 de la loi précitée dispose que " le 3° de l'article 13 (...) s'applique aux demandes présentées après son entrée en vigueur ", soit après le 1er janvier 2017. Aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) ".
4. Si M. C...soutient que dès le mois de juillet 2016, il s'est rendu au guichet de la préfecture afin de retirer un dossier de demande de titre de séjour et qu'un rendez-vous lui a été donné au 24 janvier 2017, cette seule circonstance ne saurait établir qu'une demande de titre de séjour complète avait valablement été déposée dès juillet 2016, alors que la seule demande de titre de séjour produite dans le dossier de 1ère instance est datée du 24 janvier 2017. Ainsi, et alors même qu'un précédent arrêté portant obligation de quitter le territoire a été retiré le 10 novembre 2016, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet a fait application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur nouvelle rédaction, en saisissant pour avis un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados se serait senti lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII et qu'il n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation, alors que l'arrêté mentionne au contraire que le préfet s'est fondé sur l'ensemble du dossier. Dès lors, la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
7. D'une part, il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, que l'avis du 11 avril 2017 concernant la situation médicale de M. C...a été rendu par trois médecins faisant partie du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont les noms sont indiqués. Le préfet du Calvados produit au dossier une attestation de l'OFII du 5 janvier 2018 indiquant, au vu d'une capture d'écran du logiciel en charge du traitement administratif des dossiers, le nom du médecin qui a établi le rapport médical sur la situation du requérant, dont il ressort qu'il ne s'agissait pas d'un des trois membres du collège de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du 11 avril 2017 a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées doit être écarté.
9. En quatrième lieu, si, dans la partie de son avis relative à la procédure suivie " au stade de l'élaboration du rapport " ou " au stade de l'élaboration de l'avis ", le collège de médecins de l'Office n'a pas rempli les rubriques relatives à la " convocation pour examen ", aux " examens complémentaires demandés " et " justification de l'identité ", cette seule circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'il n'a pas eu recours à ces motifs. Si l'avis ne mentionne ni le rapport médical établi, ni la date de transmission de ce dernier au collège de l'OFII, il ressort des pièces citées au point précédent que ce rapport a été émis antérieurement à l'avis du 11 avril 2017 et a été transmis à l'agent de liaison.
10. En cinquième et dernier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, le 11 avril 2017, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. M. C...soutient souffrir d'hémochromatose et reconnaît que le traitement consiste essentiellement à pratiquer des saignées. L'intéressé produit un certificat médical du 4 décembre 2017, émanant d'un hôpital mongol, indiquant qu'il souffre de cette maladie sanguine et qu' " il n'existe pas de traitement approprié en Mongolie pour soigner cette maladie ". Cependant, il ressort des pièces du dossier que la guérison de cette maladie n'est pas davantage possible en France, où un traitement par saignée doit être poursuivi à vie. De plus, il produit un second certificat médical émanant du docteurB..., du 23 mai 2017, indiquant que si une élévation très importante du coefficient de saturation en fer a été constatée, il n'est que " prévu " de rechercher la mutation du gène de l'hémochromatose. En outre, si le requérant a communiqué des documents faisant état, en Mongolie, d'une pénurie de médecins en zone rurale et dans la capitale, il n'établit pas que les saignées, acte médical simple, ne pourraient pas être pratiquées à domicile par un infirmier, dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne l a décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Si la concubine de M.C..., également de nationalité mongole, a obtenu un rendez-vous à la préfecture le 24 octobre 2017 et a retiré un dossier de demande de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle avait déposé une demande de titre de séjour complète à la date de la décision attaquée et obtenu un récépissé. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision préfectorale, en mentionnant que sa concubine était en situation irrégulière, était entachée d'une erreur de fait. La circonstance que leur enfant est né en France le 9 mars 2017 ne fait pas obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine. M. C...n'établit ni même n'allègue ne plus avoir de liens familiaux en Mongolie. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentées par M.C....
Article 2 : La requête de M. C...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 mars 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01765