Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2018 et 4 janvier 2019, Mme E... épouse A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 17 mai 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre à l'ambassade du Cameroun, à titre principal, de délivrer les visas sollicités dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de procéder au réexamen des demandes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ;
- le lien de filiation avec les enfants est établi par les actes de naissance produits qui ont été légalisés par le consul de France au Cameroun le 31 janvier 2018 ; s'agissant de l'enfant B..., elle a produit un acte de naissance n°105/2006 dressé le 9 janvier 2006, par l'officier d'état civil du centre de Yaoundé IV, et un jugement n° 438 rendu le 18 mai 2015 par le tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou ordonnant la reconstitution de l'acte de naissance n° 105/2006 ; le procureur de la République près les tribunaux de Garoua n'avait pas compétence pour en remettre en cause l'authenticité de ces actes ;
- le refus de visa litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intérêt supérieur de ces trois enfants ;
- elle effectue plusieurs allers-retours par an pour voir ses enfants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... épouse A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 19 janvier 2018, l'autorité consulaire à Yaoundé a rejeté les demandes de visas de long séjour présentées pour les enfants Claude Saint Eloi Kede E..., Brice Atangana Armand et B... F..., nés respectivement en 1999, 2004 et 2006. Par un jugement du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E... épouse A... contre la décision du 17 mai 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de Mme E... épouse A... contre la décision du 19 janvier 2018. Mme E... épouse A... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, la décision attaquée énonce avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, dès lors, suffisamment motivée. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité".
4. A l'appui de la demande de visa présentée pour les enfants Claude Saint Eloi et Armand Brice Atangana, Mme E... épouse A... a produit, respectivement, un acte de naissance n° 295/99 établi, le 16 février 1999, par M. H... J..., officier d'état-civil du centre d'état-civil spécial de Mimboman III-Yaoundé IV et un acte de naissance n° 289/2004 établi, le 16 avril 2004, par M. C... K..., officier d'état-civil du même centre. A la suite de la demande de vérification de ces actes présentée par les services consulaires français au sous-préfet de l'arrondissement de Yaoundé IV, ce dernier a précisé, le 11 juillet 2017, que M. H... J... était décédé le 11 juin 1998 et que M. C... K..., qui l'a remplacé, a été nommé officier d'état-civil par arrêté ministériel du 30 juin 2004 et a prêté serment le 25 novembre 2004 de sorte que les actes de naissance en cause étaient faux. A l'appui de la demande de visa concernant le jeune B... F..., Mme E... épouse A... a produit un acte de naissance n°105/2006 établi, le 9 janvier 2006, par l'officier d'état civil du centre de Yaoundé IV ainsi qu'un jugement n° 438 rendu, le 18 mai 2015, par le tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou ordonnant la reconstitution de l'acte de naissance n° 105/2006 au motif que cet acte n'existait pas dans les registres de souche correspondants. Toutefois, il ressort de la lettre du 18 décembre 2017 adressée par le procureur de la République près les tribunaux de Garoua aux services consulaires français, en réponse à leur demande d'information, qu'après vérification dans les registres du centre d'état civil, il existe une souche de l'acte n° 105/2006 et cet acte ne correspond pas à l'acte de naissance de Theo F.... Contrairement à ce que soutient Mme E... épouse A..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur aurait été commise quant au numéro de l'acte objet de la vérification. Dans ces conditions, l'acte de naissance n° 105/2006 et le jugement supplétif qui précise que cet acte n'existe pas dans les registres de souche correspondants sont également dépourvus de valeur probante. Par suite, et alors que contrairement à ce qu'elle soutient, le consul du Cameroun à Marseille s'est borné à apposer, le 31 janvier 2018, sur les actes de naissance produits la mention " copie certifiée conforme à l'original ", la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a commis ni erreur de fait ni erreur de droit en refusant de délivrer les visas sollicité aux motifs que les documents d'état civil produits ne permettaient pas d'établir l'identité de Claude Saint Eloi Kede E..., Brice Atangana Armand et B... F... ni le lien de filiation les unissant avec Mme E... épouse A.... Si l'intéressée soutient qu'elle est allée au Cameroun du 21 septembre au 12 octobre 2017, puis du 22 décembre 2017 au 8 janvier 2018, ces seuls éléments postérieurs à la décision contestée ne suffisent pas justifier de l'existence d'une situation de possession d'état.
5. Enfin, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme G..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
C. G...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04463