Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2015, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juin 2015 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 4 juin 2012 ;
3°) de mettre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son avocat renonçant à percevoir la part contributive de l'Etat.
Mme A...soutient que:
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de fait dès lors qu'elle n'a conclu aucun contrat d'accompagnement avec Pôle Emploi, sa pathologie se traduisant par une inaptitude totale à l'emploi ;
- elle est invalide à 80% et n'a jamais travaillé étant dans l'incapacité totale de le faire ;
- son handicap ne saurait faire obstacle à son acquisition de la nationalité française ;
- elle ne peut valablement se voir reprocher d'avoir aidé irrégulièrement au séjour son conjoint dès lors que celui-ci s'est vu délivrer un titre de séjour ;
- l'administration lui oppose le caractère irrégulier de son propre séjour alors que les faits remontent à une dizaine d'années et que l'administration n'avait jamais fait état de ce grief lors de ses précédentes demandes ;
- un tel motif ne peut suffire à justifier le refus qui lui a été opposé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu lors de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juin 2015 portant rejet de sa demande d'annulation de la décision du 6 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé le rejet
Sur la légalité de la décision litigieuse :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par MmeA..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le double motif de ce que, d'une part, l'intéressée n'avait pas d'activité professionnelle compatible avec son handicap et ne disposait pas, ainsi, des revenus autonomes et suffisants lui garantissant son autonomie matérielle, et que, d'autre part, elle avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2001 à 2003 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré de l'insertion professionnelle et de l'autonomie matérielle de la postulante ainsi que les renseignements défavorables obtenus sur son comportement ;
4. Considérant, d'une part, que l'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation ; qu'elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France ; que l'autorité administrative ne peut, en revanche, se fonder exclusivement ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni sur le fait que les ressources dont dispose l'intéressé ont le caractère d'allocations accordées en compensation d'un handicap, pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, ainsi que l'on d'ailleurs relevé les premiers juges, MmeA..., qui souffre d'un syndrome dysmorphique avec malformations rachidiennes importantes, d'une gonarthrose évoluée ainsi que d'ostéoporose, se traduisant notamment par de très grosses difficultés de déplacement, s'est vue reconnaître en 2009 un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% ; que l'intéressée qui bénéficie en outre depuis le mois de janvier 2011 d'une prestation de compensation du handicap au titre de l'aide humaine est, ainsi qu'en attestent plusieurs documents émanant tant de professionnels de santé que de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, totalement inapte à toute activité professionnelle, le contrat d'accompagnement signé avec Pôle Emploi mentionné par les premiers juges ne concernant pas Mme A...mais son conjoint ; que les seules ressources que perçoit Mme A...sont constituées des allocations liées à son handicap ; que le ministre ne pouvait dès lors opposer à MeA..., sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, la nature de ses ressources pour refuser de faire droit à sa demande de naturalisation ;
6. Considérant, d'autre part, que le ministre s'est également fondé, comme déjà indiqué, sur le séjour irrégulier de Mme A...en France entre 2001 et 2003 ; que, toutefois, si le ministre peut sans erreur de droit opposer un tel motif pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation de la postulante, il ne saurait valablement retenir ce motif en l'absence de toute autre circonstance, a fortiori lorsque l'ancienneté des faits est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, Mme A...est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me B...d'une somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 juin 2015 du tribunal administratif de Nantes et la décision du ministre de l'intérieur sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2016, où siégeaient :
-M. Lenoir, président,
-M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juillet 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT02373