Par un arrêt n°14NT01840 du 22 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la SONADEV, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. D...présenté devant le tribunal administratif.
Par une décision n°397197 du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur pourvoi de Mme D...venant aux droits de M.D..., son époux décédé, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 décembre 2015 et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour :
Par mémoire enregistré le 10 juillet 2014 complété par des mémoires complémentaires enregistrés les 22 décembre 2014 et 16 novembre 2015, la société SONADEV, représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2014 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de M. D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- contrairement à ce que le tribunal a jugé, son droit de préemption créé par l'arrêté préfectoral du 22 mars 2010 créant une zone d'aménagement différé, n'est pas exercé pour le compte de la commune ou de l'établissement public intercommunal, mais pour son propre compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2014 et un mémoire complémentaire du 23 octobre 2015, M.D..., représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SONADEV une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Après cassation :
Par mémoire, enregistrée le 23 janvier 2018, et son mémoire complémentaire enregistré le 26 janvier 2018, la société nazairienne de développement (SONADEV), représenté par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 juin 2014 ;
2°) de mettre à la charge de Mme D...la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de transmission de la décision au préfet n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision et n'a pas privé Mme D...d'une garantie.
- l'absence de caractère exécutoire de la décision de préemption n'est pas un vice suffisamment grave pour conduire à l'annulation de la décision de préemption du 23 janvier 2012.
- la décision du 23 janvier 2012 est exempte de toute illégalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2018, Mme C...D..., venant aux droits de son époux décédé et représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SONADEV la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'en matière de préemption, l'absence d'effet exécutoire de la décision rend illégale la notification à tout intéressé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sacher,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant la SONADEV et Me G...représentant MmeD....
1. Considérant que la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire a conclu le 27 octobre 2009 avec la société d'économie mixte locale " Société nazairienne de développement " (SONADEV) un traité de concession d'aménagement pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " centre bourg " à Saint-André-des-Eaux ; que par un arrêté du 22 mars 2010, le préfet de la Loire-Atlantique a créé la zone d'aménagement différé (ZAD) du " centre-bourg " sur le territoire de la commune précitée et a rendu la SONADEV titulaire du droit de préemption urbain ouvert par la ZAD ; que M. D...était propriétaire d'un terrain non bâti, situé sur le territoire de la commune de Saint-André-des-Eaux, rue de Bretagne, cadastré BS n° 438, lequel a été inclus dans le périmètre de cette ZAD ; que le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M.D..., la décision du 23 janvier 2012 par laquelle le directeur de la SONADEV a exercé le droit de préemption sur cette parcelle cadastrée BS n°438 appartenant à M.D... ; que, sur appel de la SONADEV, la présente cour a annulé ce jugement ; qu'après avoir cassé cet arrêt pour erreur de droit, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, lui a renvoyé l'affaire par une décision en date du 24 mai 2017 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme : " L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. / (...) / Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession " ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 212-2 du même code et du II de l'article 6 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, dans les zones d'aménagement différé, un droit de préemption, qui peut être exercé pendant une période courant jusqu'au 5 juin 2016 en l'espèce, susceptible d'être prolongée de six ans, " est ouvert soit à une collectivité publique ou à un établissement public y ayant vocation, soit au concessionnaire d'une opération d'aménagement. / L'acte créant la zone désigne le titulaire du droit de préemption " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature ". ; qu'aux termes de l'article L. 2131-2 du même code : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : (...) / 8° Les décisions relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique, prises par les sociétés d'économie mixte locales pour le compte d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 8° de l'article L. 2131-2, du 7° de l'article L. 3131-2 et du 6° de l'article L. 4141-2 du code général des collectivités territoriales, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 82 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques duquel elles sont issues, que le législateur a entendu prévoir la transmission au représentant de l'Etat de l'ensemble des décisions relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique prises par les sociétés d'économie mixte locales, en modifiant les dispositions respectivement consacrées à la transmission des actes des communes, des départements et des régions ; qu'en précisant qu'il visait ainsi, selon les cas, les décisions prises " pour le compte " d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un département ou d'une institution interdépartementale ou d'une région ou d'un établissement public de coopération interrégionale, le législateur n'a pas entendu poser une condition supplémentaire tenant à la nature des relations contractuelles existant entre la société d'économie mixte locale et la collectivité territoriale mais a distingué les actes visés selon la catégorie de collectivités concernée ; qu'ainsi, les décisions de préemption prises par une société d'économie mixte concessionnaire d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale, désignée en qualité de titulaire du droit de préemption par l'acte créant une zone d'aménagement différé, doivent être regardées comme entrant dans le champ d'application du 8° de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, quelle que soit la nature des relations contractuelles liant la société d'économie mixte à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale pour la réalisation de l'opération d'aménagement.
4. Considérant que par la décision litigieuse du 23 janvier 2012, la SONADEV a exercé sur la parcelle appartenant à M. et Mme D...le droit de préemption qui lui a été ouvert par l'arrêté préfectoral du 22 mars 2010 sur une partie de cette zone ; qu'il résulte des points 2 et 3 précités qu'une telle décision, qui relève de la mise en oeuvre d'une prérogative de puissance publique, devait être transmise au représentant de l'Etat ; qu'il est constant que la décision litigieuse du 23 janvier 2012 n'a pas fait l'objet d'une telle transmission ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la transmission en question, qui permet l'effectivité du contrôle de légalité par le représentant de l'Etat, conditionne le caractère exécutoire de la décision et a pour effet d'interrompre le délai laissé au titulaire du droit de préemption pour décider d'utiliser celui-ci, est une garantie pour le propriétaire faisant l'objet de la procédure décrite au point 2 ; que, faute d'avoir respecté cette obligation, la société SONADEV a commis une illégalité en procédant, par l'arrêté attaqué, à l'exécution d'une décision de préemption dépourvue de caractère exécutoire;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SONADEV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SONADEV; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SONADEV la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société nazairienne de développement est rejetée.
Article 2 : La société nazairienne de développement versera à Mme D...la somme de 2000 euros (deux mille euros).
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société nazairienne de développement et à Mme C...D....
Délibéré après l'audience du 14 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2018.
Le rapporteur,
E. SACHERLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01647