Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mars 2020 et 22 février 2021, M. B... A... et Mme D... C... épouse A..., représentés par Me Madeline, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision implicite de l'autorité consulaire française au Maroc refusant de délivrer à M. A... un visa de long séjour demandé en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Madeline, leur avocate, de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est fondée sur des faits matériellement inexacts ;
- la décision contestée a été prise en violation de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 29 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, formé contre la décision implicite de l'autorité consulaire française au Maroc refusant de délivrer à M. A... un visa de long séjour demandé en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'alinéa 4 de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie.
3. M. et Mme A... se sont mariés en France le 24 février 2018. Le 26 mai 2018, M. A... est retourné au Maroc pour demander la délivrance d'un visa de long séjour. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est rendue au Maroc à plusieurs reprises, du 7 au 18 mai 2019, puis postérieurement à la date de la décision attaquée, du 3 au 8 octobre 2019 et du 27 novembre 2019 au 4 décembre 2019 pour y rencontrer son époux, ainsi qu'en attestent les nombreuses photographies produites. Il ressort, également des pièces du dossier que les époux sont en contact téléphonique quotidiennement, échangeant des messages personnels, et que M. A... et le père de Mme A... communiquent également par messagerie. Il ressort encore des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée le couple s'était engagé dans une démarche de procréation médicalement assistée en France, laquelle se poursuit au Maroc. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et quand bien même M. A... se trouvait en situation irrégulière depuis plusieurs années à la date du mariage des intéressés, la commission de recours n'a pu légalement se fonder sur l'absence de " preuve du maintien d'échanges réguliers et constants de quelque nature que ce soit (lettres, communications téléphoniques, voyages, photographies) entre les époux depuis le mariage " et de " projet concret de vie commune ", l'administration n'apportant pas la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux du mariage.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que le jugement du 29 janvier 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 28 juin 2019 doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard aux motifs qui le fondent, le présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A.... Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ce visa à l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Madeline de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 29 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 28 juin 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Madeline une somme de 1 200 euros en application des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01112