Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 avril 2020 et 24 juillet 2020, la commune du Louroux, représentée par Me B..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... présentée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son maire justifie être habilité à agir en justice au nom de la commune ;
- l'avis du 7 mars 2018 de l'architecte des bâtiments de France n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- un autre motif, qu'elle demande de substituer au motif initial, est de nature à justifier la légalité de la décision litigieuse : les travaux projetés méconnaissent les dispositions du 6 de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, Mme D..., représentée par
Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de commune du Louroux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune du Louroux ne sont pas fondés.
Le 22 juillet 2020, la ministre de la culture a présenté des observations au soutien de la requête de la commune du Louroux.
Par un courrier du 24 décembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision est susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de ce que l'avis du préfet du 19 juillet 2018 de la région Centre-Val de Loire s'est substitué à l'avis du 7 mars 2018 de l'architecte des bâtiments de France.
Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2021, la commune du Louroux et, par un mémoire enregistré le 8 mars 2021, Mme D..., ont répondu au moyen soulevé d'office par la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la commune du Louroux, et de Me A..., pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 11 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de Mme D..., l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le maire du Louroux s'est opposé à la déclaration préalable déposée, le 9 février 2018, par l'intéressée en vue de régulariser des travaux sur un portail consistant en la " réhausse des poteaux de 50 cm supportant le portillon " sur un terrain situé 14, route de Sainte-Maure. La commune du Louroux relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme D... :
2. Par une délibération du 17 avril 2014, puis par délibération du 9 juin 2020, le conseil municipal du Louroux a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, donné au maire délégation pour agir en justice, pour la durée de son mandat aux fins, notamment, d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre les intérêts de la commune dans les actions intentées contre elle, tant en demande qu'en défense et devant toutes les juridictions. Par suite, le maire a qualité pour agir en justice au nom de la commune. La fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme D... doit donc être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 mars 2018 du maire de la commune du Louroux :
3. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. (...) En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) ". Il appartient à l'architecte des bâtiments de France d'apprécier, sous le contrôle du juge, si un immeuble implanté à moins de 500 m d'un immeuble classé est ou non situé dans le champ de visibilité de ce dernier. Aux termes de l'article L. 621-32 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues à l'article L. 632-2 du présent code ". Aux termes de l'article L. 632-2 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : I. - Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager, l'absence d'opposition à déclaration préalable, l'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du même code tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, il s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. (...) III. - Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. "
4. Aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable (...) fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire s'il n'est pas l'autorité compétente, et à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme. / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région. ". Aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, (...) la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées ".
5. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable est subordonnée, lorsque les travaux envisagés sont situés dans les abords des monuments historiques, à l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France ou, lorsque celui-ci a été saisi, du préfet de région. Dans ce dernier cas, la décision de celui-ci se substitue alors à l'avis de l'architecte des bâtiments de France.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a déposé, le 9 février 2018, un dossier de déclaration préalable en vue de régulariser des travaux sur un portillon consistant en la " réhausse des poteaux de 50 cm supportant le portillon " menant à sa maison d'habitation. L'architecte des bâtiments de France ayant refusé, le 7 mars 2018, de donner son accord aux travaux projetés, le maire du Louroux s'est opposé à la déclaration préalable des travaux par l'arrêté du 29 mars 2018 contesté. Mme D... a alors formé un recours préalable contre le refus d'accord de l'architecte des bâtiments de France auprès du préfet de la région Centre-Val de Loire, lequel a confirmé ce refus par une décision du 19 juillet 2018. Par suite, cette décision préfectorale du 19 juillet 2018 s'est substituée à l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 29 mars 2018 du maire de Louroux, le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le moyen, qui était inopérant, tiré de ce que le refus d'accord du 7 mars 2018 de l'architecte des bâtiments de France était entaché d'illégalité.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... tant en première instance qu'en appel.
8. Pour rejeter le recours préalable formé par Mme D... contre l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, le préfet de la région Centre-Val de Loire a relevé que l'immeuble entrait dans le champ de visibilité de l'église Saint-Sulpice. Il n'est pas contesté que le projet est situé dans un rayon de 500 mètres de l'église Saint-Sulpice, classée au titre des monuments historiques. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait entre le projet de clôture litigieux, consistant en la réalisation d'un portail, et l'église Saint-Sulpice, une situation de covisibilité, laquelle n'est pas établie par l'unique photographie, versée au dossier par la commune, prise depuis la route Sainte-Maure, sur une partie de la parcelle de Mme D... ne faisant pas l'objet de la déclaration de travaux en cause, cette dernière produisant, pour sa part, une autre photographie prise depuis l'emplacement du portail litigieux qui fait apparaitre que les murs de la construction voisine obstruent toute vue sur l'édifice, lequel ne bénéfice donc pas de la protection prévue par les dispositions précitées. Par suite, l'illégalité de la décision du 19 juillet 2018 du préfet de la région Centre-Val de Loire entache d'illégalité l'arrêté contesté du maire.
9. L'administration peut, cependant, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
10. Aux termes de l'article UA 11 " Aspect extérieur " du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) 6. Clôture (...) Portails, portes et grilles. / Les portails, portes ou grilles traditionnels remarquables existants seront restaurés et entretenus, y compris les piles. / Les portails devront s'intégrer dans l'ensemble de la clôture tant du point de vue du style que de la hauteur. / Les portails ou portes nouveaux reprendront l'un des types traditionnels existants. Ils seront peints soit dans la tonalité des menuiseries du bâtiment, soit d'une couleur soutenue ou foncée (prendre en référence des tons existants localement). (... )".
11. Le maire du Louroux invoque, pour justifier la légalité de la décision litigieuse, un autre motif tiré ce que les travaux méconnaissent les dispositions du 6 de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à remplacer un portillon en bois de teinte soutenue, composé d'une partie haute à claire-voie et d'une partie basse pleine, par un portillon entièrement plein et en aluminium blanc. Il n'est pas contesté que la couleur de ce portillon, qui n'est ni soutenue ou foncée, ne correspond pas à la tonalité des menuiseries de la propriété de Mme D.... Enfin, si celle-ci soutient que les dispositions générales de l'article UA 11 prévoient également que " Des dispositions dérogatoires peuvent être autorisées afin de permettre des constructions contemporaines, sous réserve d'une bonne intégration architecturale, urbaine et paysagère, dans le site (...) ", ces dispositions ne sont pas opposables à l'édification d'un portail, un tel équipement ne constituant pas une construction au sens de ces dispositions. Il résulte de l'instruction que le maire du Louroux aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6 de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Louroux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de Mme D..., l'arrêté du l'arrêté du 29 mars 2018 du maire.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme D... le versement à la commune du Louroux de la somme que celle-ci demande au titre des exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune du Louroux, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 février 2020 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Louroux, à Mme E... D... et à la ministre de la culture.
Copie en sera adressée au préfet de la région Centre-Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2021.
Le rapporteur,
C. C...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01259