Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrées le 31 juillet 2020 et le 6 août 2021, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal, qui a commis une erreur de droit, a estimé que la rectrice de l'Académie d'Orléans-Tours devait prendre en compte les services accomplis par M. A... en qualité de fonctionnaire stagiaire dans le corps des professeurs de lycée professionnel agricole pour déterminer son classement dans ce corps ;
- les services accomplis en qualité de fonctionnaire stagiaire ne sauraient être regardés comme des services accomplis en qualité d'agent public non titulaire au sens du décret du 5 décembre 1951 ; l'interprétation des dispositions de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951 est en totale contradiction avec les dispositions de l'article 5 du décret du 5 octobre 1994 qui prévoient que lorsqu'un enseignant n'est titularisé qu'à l'issue d'une deuxième année de stage, la prorogation de son stage n'est pas prise en compte pour le calcul de son ancienneté à l'occasion de son classement définitif lors de sa titularisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, M. A..., représenté par Me Mazardo, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 ;
- le décret n°94-874 du 7 octobre 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été recruté en qualité de professeur non titulaire au sein du ministère de l'éducation nationale du 5 janvier 2004 au 16 juillet 2008, puis au sein du ministère de l'agriculture du 6 novembre 2008 au 31 août 2013. Après avoir réussi le concours de professeur de lycée professionnel agricole, il a été nommé fonctionnaire stagiaire au ministère de l'agriculture du 1er septembre 2013 au 31 août 2014. Il n'a pas été titularisé. Il a ensuite été à nouveau recruté comme professeur non titulaire par le ministère de l'éducation nationale du 19 janvier 2015 au 31 août 2017 puis, après avoir été admis au concours externe de professeur de lycée professionnel, a été nommé stagiaire dans ce corps à compter du 1er septembre 2017. Par un arrêté du 24 novembre 2017 de la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours, M. A... a été classé au 2ème échelon du corps des professeurs de lycée professionnel avec une ancienneté conservée de 3 mois et 13 jours.
2. M. A... a, le 9 mai 2018, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2017. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel cette juridiction a fait droit à la demande de M. A... et a enjoint à la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours de procéder au reclassement de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2017 de la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours :
3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Le présent décret s'applique aux personnes qui ont satisfait à l'une des procédures de recrutement prévues aux articles 19 et 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et qui ont vocation à être titularisées après la période probatoire ou la période de formation qui est exigée par le statut particulier du corps dans lequel elles ont été recrutées. / Pour l'application du présent décret, les personnes mentionnées à l'alinéa précédent sont désignées ci-après sous l'appellation de " fonctionnaires stagiaires ". " et aux termes de son article 2 : " Les fonctionnaires stagiaires sont soumis aux dispositions des lois du 13 juillet 1983 et du 11 janvier 1984 susvisées et à celles des décrets pris pour leur application dans la mesure où elles sont compatibles avec leur situation particulière et dans les conditions prévues par le présent décret. ". D'autre part, les modalités de classement des agents des corps enseignants relevant du ministère de l'éducation nationale relèvent exclusivement des dispositions du décret du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale. Aux termes de l'article 11-5 de ce décret : " Les agents qui justifient de services accomplis en qualité d'agent public non titulaire sont nommés dans leur nouveau corps à un échelon déterminé du grade de début de ce dernier en prenant en compte (...) une fraction de leur ancienneté de service dans les conditions suivantes : / 1° Les services accomplis dans des fonctions du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et à raison des trois quarts au-delà de douze ans ; / (...) / Il n'est pas tenu compte des services lorsque l'interruption qui sépare leur cessation de la nomination dans le nouveau corps est supérieure à un an. (...). ".
4. Le fonctionnaire stagiaire qui a été nommé en cette qualité dans un corps de fonctionnaires a vocation à devenir fonctionnaire titulaire, sous réserve de l'appréciation portée par l'administration sur la période probatoire et provisoire que constitue le stage. Il ne peut, en vertu des dispositions du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, rappelées au point précédent, être regardé comme un agent public non titulaire au sens des dispositions précitées de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951.
5. Il résulte du principe qui vient d'être rappelé que les dispositions de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951, qui prévoient la prise en compte, au demeurant sous certaines conditions, de services, limitativement énumérés, accomplis en qualité d'" agent public non titulaire " à compter de la date de nomination de l'intéressé, ne trouvent pas à s'appliquer, sauf dispositions réglementaires particulières contraires, aux services accomplis en qualité de stagiaires, lesquels ne sauraient ainsi être assimilés à des agents publics non titulaires. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, en retenant l'unique moyen soulevé par M. A..., estimé que " les services accomplis en qualité de fonctionnaire stagiaire devaient être pris en compte pour déterminer le classement dans les corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale " et que l'arrêté contesté du 24 novembre 2017 de la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours était, pour ce motif, entaché d'illégalité.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 24 novembre 2017 de la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours classant M. A... au 2ème échelon du corps des professeurs de lycée professionnel avec une ancienneté conservée de 3 mois et 13 jours et a enjoint à cette autorité de procéder au reclassement de l'intéressé. En l'absence d'autre moyen présenté par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans puis devant la cour, il y a lieu, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter, pour le motif développé au point 5, la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 24 novembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que M. A... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801704 du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports et à M. B... A....
Copie en sera adressée pour information à la rectrice de la région académique Centre-Val de Loire, rectrice de l'académie d'Orléans-Tours.
Délibéré après l'audience du 4 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2022.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I.PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20NT02417 2