Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au recteur de la réintégrer dans ses fonctions en qualité d'adjoint administratif titulaire, ou le cas échéant, en qualité de stagiaire et de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son licenciement a été prononcé en cours de stage dès lors que dès le 28 mai 2018, ou à tout le moins dès le 6 juillet 2018, le recteur avait décidé de ne pas la titulariser ;
- cette décision avait déjà été prise avant que la commission administrative se prononce contrairement à ce que prévoit l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 ;
- elle n'a pas été en mesure d'obtenir la communication de son dossier avant l'adoption de l'arrêté contesté ; elle n'a pas mandaté de représentant du personnel pour consulter son dossier, lequel n'a au demeurant pu obtenir que la communication de deux documents ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle a été placée sur un poste de secrétariat, d'accueil et de gestionnaire financier, isolé, nécessitant des compétences professionnelles en matière de statut de la fonction publique, de santé au travail, de procédure administrative et une connaissance des organismes externes travaillant avec le service ; elle n'a reçu aucune formation spécifique, ni aucun accompagnement particulier au début de son stage ; elle n'a pas été en mesure de faire preuve de ses capacités professionnelles ; le rectorat ne peut lui reprocher son manque d'expérience de l'administration compte tenu de son parcours professionnel ; elle a su maîtriser les logiciels spécifiques qu'elle devait utiliser sans avoir reçu aucune formation à leur utilisation ; le fait qu'elle rencontre des difficultés en orthographe ne signifie pas qu'elle serait dans l'impossibilité d'exercer convenablement ses missions ; les faits ponctuels qui lui sont reprochés concernant son positionnement et ses relations aux autres se sont produits avant le renouvellement de son stage.
La requête a été communiquée à la rectrice de la région académique Normandie, rectrice des académies de Caen et Rouen, qui en dépit d'une mise en demeure adressée le 22 octobre 2020, n'a pas produit de défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- le décret n° 2006-1760 du 23 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me D..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée en qualité d'agent contractuel au rectorat de l'académie de Caen à compter du 12 septembre 2002 pour effectuer des tâches d'entretien des locaux. Elle a bénéficié du dispositif instauré par la loi du 12 mars 2012 dite " Sauvadet " relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. A ce titre, elle a été nommée adjoint administratif de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur (ADJAENES) stagiaire au 1er septembre 2017 et affectée au service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé de l'université de Caen. Son stage, d'une durée réglementaire de six mois, a été prolongé pour une nouvelle période de six mois allant du 1er mars au 31 août 2018. Toutefois, par un arrêté du 6 juillet 2018, le recteur de la région académique de Normandie, recteur des académies de Caen et Rouen, a décidé de mettre fin à son stage sans prononcer sa titularisation. Mme E... relève appel du jugement du 18 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. L'employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics. Ces principes ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative mette en garde, le cas échéant, le stagiaire afin qu'il sache, dès avant la fin du stage, que sa titularisation peut être refusée si l'appréciation défavorable de l'administration sur sa manière de servir se confirme à l'issue de cette période, ni à ce qu'elle l'informe, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser.
3. Il ressort des pièces du dossier que si une fiche de proposition en vue de la titularisation de Mme E... a été renseignée le 3 mai 2018 par le chef du service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé de l'université de Caen, ce dernier n'a émis à cette date aucun avis quant à la suite qu'il conviendrait de donner à l'issue de sa période probatoire. Par ailleurs, si la responsable du bureau de gestion des personnels " Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniciens, Sociaux et de Santé " (BIATSS) de la direction des ressources humaines de l'université de Caen Normandie a indiqué, le 24 mai 2018, à une représentante du personnel qu'en dépit de la prolongation de son stage le niveau de Mme E... n'était pas suffisant pour envisager sa titularisation et si l'intéressée a été reçue dans ce service le 28 mai 2018 pour l'informer de l'intention de ne pas la titulariser, il n'est pas établi que ces informations lui auraient été données par le recteur lui-même, ou par une personne disposant de la qualité pour prendre une telle décision. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait en réalité été prise avant même que la commission paritaire d'établissement, consultée le 30 mai 2018, ne se soit réunie. Enfin, si la décision contestée mettant fin au stage de Mme E... à compter du 1er septembre 2018 a été prise par le recteur de l'académie de Caen le 6 juillet 2018, soit près de deux mois avant l'expiration de sa période probatoire, ce délai doit être regardé comme raisonnable compte tenu notamment de la période estivale à laquelle elle est intervenue et de la fin de son stage au 31 août 2018. Par suite, Mme E..., n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été licenciée au cours de son stage, et non à la fin de celui-ci. Il suit de là, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée présenterait le caractère d'une mesure disciplinaire, que le moyen tiré de ce que la requérante n'aurait pas été mise à même de consulter son dossier personnel avant le 6 juillet 2018 ne peut être utilement invoqué et doit être écarté pour ce motif.
4. En second lieu, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir.
5. L'arrêté du 6 juillet 2018 indique que Mme E... " n'a pas acquis après deux périodes de stage, le niveau de compétences suffisant pour être titularisée ". La lettre de notification de cette décision ajoute que l'absence d'expérience, de connaissance et de culture dans le domaine administratif de l'intéressée, son absence de maîtrise des outils informatiques, son niveau de rédaction trop faible ainsi qu'un problème de positionnement justifient cette mesure.
6. La requérante rappelle tout d'abord que son insuffisance professionnelle doit s'apprécier au regard des fonctions qu'elle avait normalement vocation à exercer compte tenu de son grade ou de son emploi. Aux termes de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006 relatif aux dispositions statutaires communes applicables aux corps d'adjoints administratifs des administrations de l'Etat : " Les adjoints administratifs sont chargés de fonctions administratives d'exécution comportant la connaissance et l'application de règlements administratifs. Ils peuvent également être chargés de fonctions d'accueil et de secrétariat. ". La fiche du poste occupé par Mme E... indique qu'il comprend deux mi-temps : l'un pour le service de médecine de prévention des personnels (SMPP) sous la responsabilité du médecin de prévention et l'autre pour le service social sous la responsabilité de l'assistante sociale. Pour le SMPP, il comprend notamment le secrétariat et l'accueil des agents, la gestion du planning des visites médicales et des entretiens infirmiers. Pour le service social, le poste consiste à apporter une aide à l'assistante sociale, à assurer son secrétariat et l'accueil des agents qu'elle reçoit. Le poste implique la rédaction de compte-rendu de réunions de service, de visites, un contact avec différents services ou partenaires et nécessite une bonne connaissance du statut de fonctionnaire, de la législation en matière de santé au travail dans la fonction publique ainsi que des procédures administratives. Il implique la maîtrise des outils informatiques comprenant des logiciels spécifiques et un contact avec un public en difficulté. Ainsi que le soutient l'administration, ces missions correspondent cependant à celles qui sont susceptibles d'être confiées à un adjoint administratif de catégorie C, encadré par plusieurs personnes de niveau supérieur. Il n'est pas établi qu'il présentait plus de spécificité ou de difficultés que les autres postes vacants correspondant à ce grade, qui au demeurant avaient également été proposés à Mme E... lors de sa nomination en qualité de stagiaire.
7. Mme E... soutient ensuite qu'en dépit de son inexpérience, le rectorat ne lui a fourni aucune formation spécifique, ni aucun accompagnement particulier lorsqu'elle a débuté ses fonctions. Il ressort toutefois du rapport complémentaire établi le 15 février 2018 conjointement par le médecin de prévention et l'assistante sociale qui l'encadraient que l'intéressée a participé à une journée d'accueil des nouveaux personnels, a bénéficié d'un accompagnement par la secrétaire du service de médecine de prévention des étudiants et de l'aide d'une référente de la direction des affaires financières pour la gestion financière et le maniement du logiciel de gestion budgétaire. Mme E... a en outre bénéficié d'une formation de 21 heures entre le 12 octobre et le 29 novembre 2017 au logiciel Word, d'une formation sur un logiciel comptable d'une demi-journée au début du mois de septembre puis durant le mois d'octobre 2017 et d'une brève formation au logiciel Medtra par l'infirmier du service. Par ailleurs, l'intéressée a produit plusieurs pièces attestant qu'elle était inscrite à un stage sur la communication écrite le 10 avril 2018 et qu'elle a bénéficié d'un tutorat avec un agent du secrétariat de la DRH entre le 6 février et le 18 mai 2018. Si ces formations et mesures d'accompagnement n'ont pas été mises en place immédiatement après la nomination de Mme E... dans le service à compter du 1er septembre 2017, elles attestent néanmoins des efforts de son administration pour lui permettre de faire la preuve de ses capacités à exercer ses missions et à progresser dans son apprentissage.
8. Enfin, si la requérante souligne ses progrès et tente de minimiser les erreurs qu'elle a pu commettre au cours de son stage, dont la durée a exceptionnellement été prorogée de six mois, ses supérieurs hiérarchiques directs ont souligné ses erreurs de compréhension, ses difficultés d'organisation dans la gestion des convocations ainsi que dans la rédaction des courriers ou courriels, lesquelles ont perduré au-delà de la première période probatoire. De ce fait, Mme E... n'a été amenée au cours de sa période probatoire d'un an à rédiger aucun courrier en dehors des convocations pour les visites médicales et les missions budgétaires afférentes à ce poste ont dû être transférées à un autre service. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le recteur de l'académie de Caen a décidé de mettre fin à son stage sans procéder à sa titularisation dans le grade d'ADJAENES.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette la requête présentée par Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint à la rectrice de l'académie de Caen de la " réintégrer " dans ses fonctions en qualité d'adjoint administratif titulaire, ou le cas échéant, en qualité de stagiaire et de réexaminer sa situation, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et à Mme la rectrice de la région académique Normandie, rectrice des académies de Caen et Rouen.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04482