Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mars 2017 et 6 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 février 2017 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a fait reposer sur lui la charge de la preuve de la matérialité de l'infraction ;
- les faits constatés caractérisent suffisamment une situation de travail non autorisé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2017, Mme F...C..., représentée par Me Quesnel, conclut au rejet de la requête et à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
La procédure a été transmise au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à la direction régionale des finances publiques d'Ille-et-Vilaine, lesquels n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me D...substituant Me Quesnel, avocat de MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 20 janvier 2011 sur la place du Colombier à Rennes, les services de la police aux frontières ont constaté que MmeC..., propriétaire du stand ambulant de la société " Delhi Mode ", employait un travailleur étranger, M. B...A..., ressortissant afghan démuni de titre de séjour et d'autorisation de travail. Par une décision du 12 septembre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de Mme C...la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ce qui représentait, en l'espèce, un montant total de 16 800 euros. Le 9 octobre 2013, la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine a émis un titre exécutoire de ce montant à l'encontre de MmeC.... L'OFII demande à la cour d'annuler le jugement du 3 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé ce titre.
Sur la contribution spéciale :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes enfin de l'article L. 8271-8 de ce code : " Les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire (...) ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.
4. Alors que pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative, contrairement à ce que soutient le requérant, de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie, il est constant que, lors du contrôle effectué le 20 janvier 2011 sur la place du Colombier à Rennes, M.A..., qui déclare connaître la famille C...par le biais d'activités communes, était occupé à transporter des cartons de vêtements depuis un véhicule jusqu'à l'étal de marché appartenant à MmeC..., alors en déplacement à l'étranger. S'il ressort des énonciations des procès-verbaux que M. A...a pu être aidé en terme d'hébergement ou d'aide alimentaire par la familleC..., en qualité de compatriote, ces seuls éléments ne sont toutefois pas de nature à établir que M.A..., qui affirme avoir apporté ponctuellement et bénévolement son aide lors de son passage sur le marché, aurait ainsi effectué ce travail en échange d'une rémunération, ni donc qu'il était engagé au service de MmeC..., dans un lien de subordination avec celle-ci. La circonstance que l'époux de Mme C...ne puisse être physiquement en mesure de gérer seul l'étal de son épouse en l'absence de cette dernière n'est pas davantage de nature à établir que M. A...travaillait à son profit, dès lors qu'il résulte de l'instruction que, lors du contrôle, le commerce était en réalité tenu par son neveu. Ainsi, l'OFII ne produit aucun élément de fait suffisant de nature à établir l'existence de liens de subordination entre M. A...et MmeC.... Dès lors, c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a considéré que l'OFII ne pouvait mettre à la charge de Mme C...la contribution prévue par les dispositions précitées du code du travail pour l'emploi d'étrangers sans autorisation.
5. Il résulte de ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le titre de perception du 9 octobre 2013.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que l'OFII demande au titre des frais de procédure. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'OFII le versement à Mme C...de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'OFII est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à Mme F... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, Président assesseur.
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00784