2°) d'annuler l'arrêté du 9 août 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de vingt mois, dont dix mois avec sursis ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- la décision de sanction est insuffisamment motivée ;
- les droits de la défense ont été méconnus dès lors que son dossier ne lui a pas été communiqué, et quand bien même il aurait été communiqué, elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense ;
- la procédure disciplinaire a été déraisonnablement longue et les faits reprochés antérieurs au 23 septembre 2014 sont prescrits ;
- son dossier a fait l'objet d'un examen partial par le conseil de discipline ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- la sanction prononcée est disproportionnée ;
- la sanction participe d'un harcèlement moral de la part de l'administration qui lui a causé un préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré 5 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées par une lettre du 28 octobre 2019 que l'affaire était susceptible, à compter du 21 novembre 2019, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative. La clôture de l'instruction est intervenue le 10 février 2020, par une ordonnance du même jour.
Les mémoires, enregistrés les 26 octobre et 5 novembre 2020, présentés par Mme C... n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me E..., représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., entrée dans les cadres de la police nationale en 2001 et affectée à Montargis, a été exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de vingt mois, dont dix mois avec sursis, par un arrêté du 9 août 2017 du ministre de l'intérieur. Par sa requête, Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 décembre 2018 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté du 9 août 2017 comporte les motifs de droit et considérations de fait qui en constituent le fondement. Il est par suite suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligation des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 susvisé : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. "
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 22 décembre 2016 de convocation de Mme C... devant le conseil de discipline du 25 janvier 2017, que l'intéressée a été informée de son droit à obtenir la communication de son dossier, de la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix et de présenter sa défense sous la forme d'un mémoire en défense. Le syndicat Sud Intérieur, défenseur de Mme C..., a reçu communication du dossier de l'agent dès le 12 décembre 2016, soit plus d'un mois avant la réunion du conseil de discipline pour préparer la défense de l'intéressée. Ce délai est suffisant en l'espèce. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire aurait été déraisonnablement longue et que les faits reprochés antérieurs au 23 septembre 2014 seraient prescrits, est écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En quatrième lieu, aucun élément du dossier ne permet de laisser supposer que les membres du conseil de discipline du 25 janvier 2017 auraient fait preuve de partialité ou d'une animosité particulière dans le cadre de l'examen du dossier de la requérante. Par suite, le moyen tiré du caractère partial de la procédure doit être écarté.
7. En cinquième lieu, et d'une part, en vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans.
8. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Il est reproché à Mme C... différents faits survenus en 2014 et 2015, caractérisant notamment une mauvaise volonté dans la gestion de sa situation administrative, l'enregistrement de plaintes la concernant en utilisant le nom et le matricule de collègues, des menaces de mort à l'encontre de son ex-mari et de son chef de service lors d'un entretien hiérarchique et, enfin, un comportement irrespectueux et des dépôts de plaintes intempestifs auprès du procureur de la République pour raisons personnelles en se prévalant de sa qualité de fonctionnaire de police.
En ce qui concerne les menaces de mort :
10. La matérialité de ces menaces, proférées le 1er octobre 2014, à l'occasion d'un entretien entre l'intéressée et sa supérieure hiérarchique, commandant de police, chef de l'unité de sécurisation de proximité du commissariat de Montargis, est attestée par un rapport transmis par l'officier concerné à la chef de la CSP de Montargis à la date des faits. La réalité des faits est corroborée par un rapport d'information du même jour d'un brigadier de police, M. D..., suite à une conversation avec le commandant de police objet des menaces. Mme C..., qui soutient n'avoir jamais rencontré son supérieur hiérarchique, ne produit aucun élément probant permettant de remettre en cause la sincérité des faits relatés ou de faire regarder lesdits rapports comme des faux en écritures publiques. Les circonstances que la hiérarchie de l'intéressée n'ait pris aucune mesure à son encontre immédiatement après ces menaces, qu'aucune plainte au pénal n'ait été déposée ou que le rapport du commandant de police n'aurait pas été rédigé sur le lieu de travail, sont sans incidence sur la matérialité des faits en question. Par suite, la matérialité de ces faits doit être regardée comme établie.
En ce qui concerne la rédaction d'une plainte et d'une main courante informatisée (MCI) au nom et au matricule d'un collègue :
11. Il ressort des pièces du dossier que, le 16 septembre 2015, Mme C... a déposé une plainte pour abus de faiblesse pour des faits concernant sa grand-mère. Cette plainte a été rédigée au nom d'un autre gardien de la paix, M. B..., placé en congé de maladie ordinaire du 6 octobre 2014 au 13 septembre 2015, alors que ce dernier effectuait pendant la rédaction de cet acte, sa visite médicale de reprise à Tours. Le gardien de la paix concerné et Mme C... ont été convoqués par leur supérieur hiérarchique, le 22 septembre 2015, pour un rappel à l'ordre. L'intéressée a, trois heures seulement après ce rappel à l'ordre, de nouveau utilisé le matricule d'un de ses collègues pour rédiger en son nom personnel deux mains courantes au sujet de problèmes relatifs à la garde de ses enfants. L'attestation de M. B... produite, rédigée trois ans après les faits, selon laquelle il aurait lui-même rédigé la plainte du 16 septembre 2015 entre 08H00 et 11H00, heure de son rendez-vous médical, et attestant qu'il n'aurait jamais donné son matricule et ses codes d'identification à quiconque, est dénuée de caractère probant, alors même qu'il n'est pas contesté que cette plainte de quatre pages a été enregistrée entre 08H37 et 16H00, comme le relève la commissaire divisionnaire G... dans son rapport au conseil de discipline du 21 novembre 2016, et qu'interrogé sur cette plainte par son supérieur hiérarchique le 22 septembre 2015, M. B... a reconnu, lors de cet entretien, avoir laissé son matricule à Mme C.... Enfin, l'utilisation le même jour, trois heures seulement après son rappel à l'ordre, de l'identité de l'un de ses collègues pour rédiger en son nom personnel deux autres mains courantes, n'est pas sérieusement remise en cause par l'attestation du brigadier Béranger produite, laquelle se borne à attester que Mme C... ne lui a jamais demandé ses codes d'identification, tout en reconnaissant dans le même temps avoir pris une main courante pour l'intéressée. Dans ces conditions, la matérialité de ces faits doit être regardée comme établie.
En ce qui concerne la mauvaise volonté de l'intéressée dans la gestion de sa situation administrative :
12. Il est reproché, notamment, à Mme C... d'avoir repris son service le 22 septembre 2014, à l'issue d'une absence pour raison médicale, sans s'être préalablement présentée devant un médecin de l'administration ou un médecin agrée afin d'obtenir un certificat de reprise comme le prévoit la réglementation et également d'avoir refusé un rendez-vous proposé le 25 septembre par le service médical au motif qu'elle se trouvait en congé annuel. Convoquée le 30 septembre 2014, elle aurait refusé d'établir une demande d'utilisation de son véhicule personnel pour s'y rendre en exigeant, à la place, un véhicule administratif. La requérante se serait également placée en position d'absence irrégulière à compter du 13 octobre 2014 en ne faisant pas parvenir à son service, dans le délai réglementaire, les certificats d'arrêts de travail justifiant de ses absences. Convoquée le 18 novembre 2014 afin que soit vérifiée par le médecin de l'administration son aptitude à exercer ses fonctions, elle n'aurait pas déféré à cette convocation. Déclarée apte à une reprise de fonctions le 24 décembre 2014, à compter du 5 janvier 2015, elle ne s'est pas présentée au service. Malgré la confirmation de son aptitude à la reprise de ses fonctions le 28 janvier 2015, elle n'aurait repris son service que le 19 mars après avoir été mise en demeure à deux reprises et malgré un troisième contrôle médical réalisé le 13 mars 2015 confirmant les deux précédents. Ces faits sont confirmés par un courrier du 29 janvier 2015 du préfet délégué pour la défense et la sécurité adressé à l'intéressée et par le rapport de la directrice départementale de sécurité publique du Loiret du 21 novembre 2016. Mme C..., qui se borne à soutenir que sa situation médicale et administrative peut être expliquée par la main-courante du 22 novembre 2015, ultérieurement évincée des griefs retenus à son encontre, et qu'elle n'a pu se présenter aux convocations médicales du fait de la carence du médecin agréé et qu'elle n'aurait été orientée vers aucun autre médecin ne conteste pas sérieusement la réalité des faits en question. Par suite, la matérialité de ces faits doit être regardée comme établie.
En ce qui concerne le comportement irrespectueux envers sa hiérarchie et les dépôts de plaintes intempestifs auprès du procureur de la République pour raisons personnelles :
13. Mme C... aurait adressé à sa chef de service, le 1er octobre 2014, un rapport irrespectueux dans lequel elle se plaint de ses mauvaises conditions de travail. Elle aurait également adressé le 29 septembre 2014 à son chef de service un rapport dans lequel elle déplore que sa demande de temps partiel n'ait pas abouti en mettant en cause la compétence des personnes en charge de son dossier les accusant de commettre volontairement des erreurs en sa défaveur. Elle aurait également attiré défavorablement l'attention du procureur de la République de Montargis en déposant plusieurs plaintes, toutes irrecevables, pour des motifs d'ordre personnel en se prévalant de sa qualité de fonctionnaire de police et en mettant en cause en des termes diffamatoires et outrageants les gendarmes de la brigade de Gien où elle réside.
14. Le comportement inapproprié de l'intéressée vis-à-vis du Parquet et la mise en cause de la brigade de gendarmerie de Gien sont établis par un courrier du procureur de la République de Montargis au directeur départemental de la sécurité publique du Loiret en date du 22 septembre 2015. Mme C... justifie son comportement par le droit de tout citoyen, y compris un fonctionnaire de police, de déposer des plaintes en vertu de l'article 15-3 du code de procédure pénale. Cette justification, manifestement insuffisante, ne saurait remettre en cause la matérialité des faits en question. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que dans son rapport du 1er octobre 2014 adressé à la commissaire divisionnaire, chef de la circonscription de Montargis, l'intéressée dénonce : " Vous vous appropriez les instructions de l'administration française, les textes, les écrits d'autrui dont la trame a été fournie par des gens compétents mais c'est vous qui êtes sortis du rang depuis longtemps (...) L'ancienne hiérarchie en complicité avec du personnel encore en poste aujourd'hui et à qui vous faites aveuglément confiance, et que vous utilisez à votre tour pour récolter des informations sur mon compte, m'a amené aux portes du suicide (...) C'est vous qui sortez du rang pour commettre vos méfaits (...) ". Ces reproches sans fondement avéré, proférés sur un ton accusatoire, caractérisent un comportement irrespectueux de Mme C... envers sa hiérarchie. Enfin, il est constant que, dans un courrier adressé à sa chef de service le 29 septembre 2014, Mme C... déplore que sa demande de passage à temps partiel, datée du 20 juin 2014 n'ait pas abouti en temps utile, mettant en cause à cette occasion la compétence et une volonté délibérée de certains collègues de lui nuire.
15. En sixième lieu, si la requérante soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de sanction attaquée aurait été fondée sur des motifs étrangers à ses manquements à ses obligations statutaires et déontologiques.
16. En dernier lieu, eu égard à la nature des faits reprochés, à leur caractère répété et aux fonctions de la requérante, la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de vingt mois, dont dix avec sursis (sanction du groupe 3), n'est pas disproportionnée.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
17. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme C... au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT00720