Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. B...,
les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
et les observations de Me A..., représentant Me F....
Considérant ce qui suit :
1. La société Spadice Plantes a été placée en redressement judiciaire par un jugement rendu le 4 novembre 2016 du tribunal de commerce d'Angers, puis en liquidation judiciaire par un jugement du 21 décembre 2016 du même tribunal. L'administrateur de la société a demandé le 20 janvier 2017 à l'inspection du travail de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) des Pays de la Loire l'autorisation de licencier M. E..., titulaire d'un mandat de délégué du personnel et occupant le poste de responsable opérationnel. Par une décision du 21 février 2017, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour motif économique de M. E.... Ce dernier a formé, le 19 avril 2017, un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. Ce recours hiérarchique a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par sa requête visée ci-dessus, M. E... relève appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre du travail, ainsi que de la décision de l'inspecteur du travail du 21 février 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur est motivée. (...) ".
3. La décision du 21 février 2017 autorisant le licenciement de M. E... vise les textes applicables et rappelle les circonstances du licenciement de l'intéressé, en particulier le jugement du 4 novembre 2016 du tribunal de commerce d'Angers prononçant le redressement judiciaire de la société Spadice Plantes. L'inspecteur du travail mentionne l'absence de possibilité de reclasser M. E... dans l'entreprise, qui n'appartient pas à un groupe. Il relève également qu'aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et le mandat de délégué du personnel détenu par le requérant. Si M. E... conteste les critères retenus pour établir l'ordre des licenciements au niveau de l'entreprise, ce moyen est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la décision en litige. Par suite, la décision du 21 février 2017 de l'inspecteur du travail comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et cette décision est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3253-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la procédure de licenciement en litige : " Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ". Aux termes de l'article L. 3253-8 du même code : " L'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre : (...) 2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : (...) b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; (...) ". Enfin, selon l'article L. 3253-9 du même code : " Sont également couvertes les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté, au cours des périodes mentionnées au 2° de l'article L. 3253-8, son intention de rompre le contrat de travail. ".
5. Il résulte de ces dispositions que, s'agissant des salariés visés à l'article L. 3253-9 dudit code, le bénéfice de l'assurance instituée à l'article L. 3253-6 du même code est acquis lorsque l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a informé l'intéressé de son intention de rompre son contrat de travail au plus tard dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise en date du 21 décembre 2016, l'administrateur judiciaire de la société, ayant notifié à l'intéressé son licenciement, a convoqué M. E... a un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour motif économique, le 26 décembre 2016, soit cinq jours après le jugement de liquidation. Par suite, et en tout état de cause, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le délai prévu par l'article L. 3253-8, 2°, b) du code du travail aurait été méconnu.
7. En troisième lieu, et d'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
8. D'autre part, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
9. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, qu'aucun poste de commercial n'était disponible au sein de l'entreprise après application aux postes de commerciaux des critères d'ordre des licenciements prévu par le plan de cession. En outre, des démarches ont été effectuées par l'entreprise auprès de la commission paritaire de l'emploi compétente, ainsi que des entreprises du même secteur d'activité pour faciliter le reclassement externe de l'intéressé, alors même que la société en cause n'appartient à aucun groupe. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les recherches de reclassement n'ont pas été menées de manière sérieuses et suffisantes.
10. En dernier lieu, les circonstances relevées par l'intéressé selon lesquelles il n'aurait pas été en accord avec les catégories retenues pour classer les postes de travail et les critères établis pour choisir les personnes à licencier, qu'il n'a jamais voulu quitter l'entreprise et a toujours souhaité un reclassement en qualité de commercial ou que les élections des délégués du personnel auraient posé problème à son employeur dès leur mise en place, ne sauraient, en elles-mêmes, révéler un quelconque lien entre la demande d'autorisation de licencier l'intéressé et l'exercice de son mandat de délégué du personnel. De même, le classement du poste de responsable opérationnel occupé par M. E... dans une catégorie professionnelle distincte de celle dont relève le poste de commercial, n'est pas de nature à établir un tel lien. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'autorisation litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme réclamée par Me F..., mandataire à la liquidation judiciaire de la société Spadice Plantes, au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Me F..., mandataire à la liquidation judiciaire de la société Spadice Plantes, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à Me F..., mandataire à la liquidation judiciaire de la société Spadice Plantes.
Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT01504