Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 mai 2019, 6 décembre 2019 et 12 mars 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Loir-et-Cher de le réintégrer dans ses fonctions de chef du centre d'incendie et de secours de Saint Aignan sur Cher dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du SDIS de Loir-et-Cher une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est introduite dans le délai d'appel et donc recevable ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation quant à sa manière de servir et du vice de procédure en raison de la composition du comité consultatif départemental ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire qu'il a communiqué le 15 mars 2019 n'a pas été pris en compte alors qu'il n'était pas postérieur à la clôture ;
- l'arrêté du 30 octobre 2018 est illégal dès lors que le président du conseil d'administration a méconnu l'étendue de sa compétence en se croyant tenu de recueillir l'accord du préfet ;
- l'arrêté du 30 octobre 2018 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 30 octobre 2018 est entaché d'un vice de procédure en l'absence de consultation régulière du comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires ; la composition du comité n'était pas conforme à l'article 2 de l'arrêté du 29 mars 2016 en l'absence de deux officiers et d'un caporal et en l'absence d'un nombre égal de représentants de l'administration et de représentants élus des sapeurs-pompiers volontaires ; cette irrégularité l'a privé d'une garantie et a été susceptible d'exercer une influence sur la décision dès lors que ces règles garantissent l'impartialité des décisions ;
- l'arrêté du 30 octobre 2018 est entaché d'un vice de procédure en l'absence de convocation régulière des membres du comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires dès lors qu'il n'est pas justifié de l'envoi des convocations huit jours avant la date de séance, comme le prévoit l'article 6 de l'arrêté du 29 mars 2016 ; ce vice, qui n'a pas permis aux membres du comité d'avoir le temps nécessaire à l'examen de son dossier, l'a privé d'une garantie et a eu une influence sur le sens de la décision ;
- l'arrêté ne lui a pas, en méconnaissance de l'article R. 723-54 du code de sécurité intérieure, été notifié avant le 1er novembre 2018 et il n'en a pas eu connaissance avant le 2 novembre 2018, de sorte qu'il ne constitue pas une décision de non renouvellement mais une décision de résiliation d'office ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'insuffisance dans la manière de servir ne peut pas résulter d'un incident isolé ;
- l'arrêté est entaché d'un détournement de procédure dès lors qu'il constitue une sanction disciplinaire déguisée de son arrestation du 23 mars 2017 ;
- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir ; il n'a pas été renouvelé dans ses fonctions en raison de la volonté de fermer le centre de secours de Saint Aignan sur Cher.
Par deux mémoires, enregistrés les 15 novembre 2019 et 6 février 2020, le SDIS du Loir-et-Cher, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens présentés ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 11 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens relatifs à la régularité du jugement ne sont pas fondés ;
- il s'en remet aux écritures de première instance du SDIS de Loir-et-Cher ;
- le moyen tiré de l'absence de notification de la décision dans les délais doit être écarté ;
- les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de procédure ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- l'arrêté du 29 mars 2016 portant organisation du comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. D..., et de Me E..., substituant Me B..., représentant le SDIS de Loir-et-Cher.
Une note en délibéré, enregistrée le 16 novembre 2020, a été produite pour le SDIS de Loir-et-Cher.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 30 octobre 2018, le préfet de Loir-et-Cher et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Loir-et-Cher ont mis fin à compter du 1er décembre 2018 à l'engagement de l'adjudant-chef Bruno D..., sapeur-pompier volontaire depuis le 1er février 1993 et chef du centre d'incendie et de secours de Saint-Aignan-sur-Cher depuis le 1er décembre 2016 et lui ont accordé l'honorariat. M. D... a demandé auprès du tribunal administratif d'Orléans l'annulation de cet arrêté en tant qu'il met fin à son engagement. Il relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A l'appui de sa demande, M. D... soutenait notamment que l'arrêté du 30 octobre 2018 était illégal dès lors qu'il a été précédé d'un avis irrégulièrement rendu par le comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires en l'absence de deux officiers. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant dès lors qu'en vertu de l'article 1er de l'arrêté du 29 mars 2016 portant organisation du comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires, ce comité est obligatoirement saisi pour avis préalablement à toute décision de l'autorité territoriale de gestion de refus de renouvellement d'engagement. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement, son jugement, qui est insuffisamment motivé, doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Orléans.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes de l'article R. 723-54 du code de la sécurité intérieure : " (...) La décision motivée de l'autorité de gestion sur le non-renouvellement de l'engagement du sapeur-pompier volontaire doit être notifiée à l'intéressé un mois au moins avant le terme de l'engagement en cours. ".
5. L'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet de Loir-et-Cher et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Loir-et-Cher ont décidé de mettre fin à l'engagement de M. D... à compter du 1er décembre 2018, vise le code général des collectivités territoriales et le code de la sécurité intérieure sans toutefois préciser les articles dont il est fait application, mentionne que l'intéressé ne satisfait pas dans sa manière de servir, qu'il a été destinataire d'une lettre du 7 mai 2018 l'informant de sa cessation d'activité et qu'il y a lieu de résilier d'office son engagement. Cette décision, qui constitue, eu égard au contenu de la lettre précitée du 7 mai 2018 et à sa date d'effet qui correspond à la date de fin de l'engagement quinquennal de l'intéressé et contrairement à ce qu'elle mentionne, une décision de non-renouvellement de l'engagement de M. D... et non une décision de résiliation d'office. Elle ne fait état d'aucun élément factuel justifiant de l'appréciation portée sur la manière de servir de l'intéressé, ni d'aucun fait entrant en violation avec la charte nationale du sapeur-pompier volontaire dont le respect constitue, en vertu de l'article R.723-45 du code de la sécurité intérieure, un élément auquel est subordonné le renouvellement de l'engagement et dont se prévaut devant la juridiction administrative le service départemental d'incendie et de secours de Loir-et-Cher. Elle ne peut, par ailleurs, être regardée comme motivée par référence à la lettre du 7 mai 2018, laquelle ne comporte d'ailleurs pas davantage le détail des faits conduisant à qualifier le comportement de M. D... de contraire aux règles morales qui s'imposent aux sapeurs-pompiers. Cette insuffisance de motivation en fait ne permet notamment pas, au demeurant, de s'assurer que M. D... ne fait pas, en méconnaissance du principe du non bis in idem, l'objet d'une décision de non-renouvellement fondée strictement sur les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à la sanction d'exclusion temporaire pour six mois du 24 juillet 2017 au 23 janvier 2018. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D... est fondé à soutenir que cet arrêté est insuffisamment motivé au regard de l'obligation fixée par l'article R. 723-54 du code de la sécurité intérieure et à en demander l'annulation.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. L'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2018 n'implique pas nécessairement que M. D... soit réintégré dans ses fonctions de chef de centre. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par le SDIS de Loir-et-Cher, partie perdante, sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du SDIS une somme de 1 500 euros à verser à M. D... à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 avril 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet de Loir-et-Cher et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Loir-et-Cher ont décidé de mettre fin à l'engagement de M. D... à compter du 1er décembre 2018 est annulé.
Article 3 : Le SDIS de Loir-et-Cher versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du SDIS de Loir-et-Cher sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et au service départemental d'incendie et de secours de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
F. F...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT02084
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